La tuberculose de l’amygdale palatine bien que rare est une localisation préférentielle des voies aéro digestives supérieures (VADS). Elle se manifeste par une dysphagie progressive et permanente avec à l’examen clinique une ulcération atone souple au toucher et des adénopathies sous angulo mandibulaires associées. Le diagnostic est histologique et/ou bactériologique. Le traitement est essentiellement médical associant des antituberculeux (minimum 3) sur une longue période (6 mois). Une attention particulière est accordée à la recherche d’un terrain immunodéprimé (infection VIH) ou une possible association tuberculose-cancer.
Tuberculosis of the tonsil is rare. However it is the first localization of tuberculosis in the upper aero digestive tract. It is manifested by a progressive and permanent dysphagia with a tonsil ulcer and cervical lymphadenopathy on clinical examination. The diagnosis is histological and / or bacteriological. Treatment is essentially medical combining antituberculous antibiotics (minimum 3) over a long period (6 months). Attention is given to possible associated HIV infection or cancer.
La tuberculose amygdalienne correspond à la localisation infectieuse du bacille de Koch au niveau des amygdales palatines. Elle est peu fréquente et le plus souvent primitive (adulte). On assiste actuellement à une recrudescence de cette maladie en général et les formes ORL en particulier surtout dans les pays émergents ou les difficultés socio-économiques et les déplacements de population ont contribués à son éclosion. En occident c’est plutôt l’épidémie de l’infection à HIV qui en est à l’origine avec des formes résistantes, multi récidivantes et poly viscérales.
Elle est pauci symptomatique, dysphagie prolongée avec des adénopathies cervicales. Les progrès de la biologie ont permis des diagnostiques assez sensibles dans des délais plus courts.
Il s’agissait d’une patiente âgée de 42 ans, qui avait consulté pour une tuméfaction latéro-cervicale gauche évoluant depuis 6 semaines.
L’anamnèse avait noté l’apparition progressive à la suite d’une angine trainante d’une tuméfaction dans un contexte général comportant un fébricule et une asthénie. La patiente est issue d’un milieu social moyen et ne rapporte pas la notion de contage ni d’antécédents particuliers.
L’examen cervical montrait une tuméfaction latéro cervicale gauche de 35 X 25 mm sous angulo mandibulaire de nature ganglionnaire indolore, mobile aux deux plans sans modification des plans cutanés.
L’examen de l’oropharynx avait montré deux amygdales de volume normal avec une ulcération grisâtre assez régulière de 8mm au niveau du pole supérieur de l’amygdale palatine gauche et œdème péri lésionnel. Le toucher amygdalien notait une amygdale souple sans saignement de contact. L’examen du nasopharynx (cavum) et le reste de l’examen clinique étaient sans particularités.
Le bilan demandé avait montré une numération formule sanguine normale, une VS à 25/ 40mm. L’échographie cervicale avait retrouvé ne adénopathie cervicale 40X20mm hypoéchogène niveau II avec plusieurs ganglions satellites. Le télé thorax était sans particularités. La sérologie syphilitique (TPHA) était négative, l’IDR à la tuberculine à 8mm. Un écouvillonnage de l’amygdale avec étude bactériologique n’était pas concluant. La cytoponction ganglionnaire montrait un frottis cellulaire riche en lymphocytes avec quelques cellules nécrosées.
La biopsie de l’amygdale avait objectivé un granulome épithélio- giganto cellulaire pouvant évoquer une tuberculose ou une sarcoïdose (FIGURE N°1).
La patiente avait bénéficié d’une cervicotomie avec curage ganglionnaire (IIa, b et III gauche). L’examen anatomopathologique était en faveur d’une tuberculose (FIGURE N°2).
Un traitement antituberculeux régime RHZ (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide) 2 mois, RH 4 mois était institué avec une bonne évolution clinique et biologique après 12 mois de recul.
La première description de la tuberculose amygdalienne remonte à 1895 par DIELAFOY [1]. CAP’O avait rapporté en 1947 une incidence moyenne de tuberculose amygdalienne à 2,2 pour 100 000 [2]. en Inde sa prévalence est de 4 pour 1000 [3].
La localisation amygdalienne se voit dans 45% de localisations aux VADS devançant largement les localisations à la paroi postérieure du pharynx (20%], à la région vélo palatine et aux amygdales linguales [5]. La tuberculose amygdalienne peut se voir à tout âge avec une légère prédominance féminine [3, 4]. La notion de contage tuberculeux dans l’entourage du patient est exceptionnelle. Elle est souvent isolée (primitive) parfois associée à une localisation pulmonaire [6].
Sur le plan bactériologique le mycobactérium tuberculosis est le plus souvent en cause. Les procèdes de pasteurisation ont mis fin aux infections à mycobactérium bovis. Les mycobactéries atypiques sont de plus en plus responsables de tuberculose ORL (milieu pédiatrique).
L’amygdale palatine est le principal organe lymphoïde de l’anneau de Waldeyer et occupe la première ligne de défense des VADS. L’inoculation par le mycobactérium se fait par voie aérienne et se traduit par un chancre d’inoculation (ulcération) au niveau de l’amygdale. Le germe passe rapidement dans les premiers relais ganglionnaires (niveau II, III) vu le drainage lymphatique très riche de l’oropharynx.
AMELI et DORIGONI évoquent la possibilité d’une diffusion rétrograde par les lymphatiques hilaires médiastinaux puis sous angulo mandibulaires pour aboutir au pharynx et aux amygdales [7].
Sur le plan clinique, la dysphagie est le symptôme le plus habituel. Elle est progressive, unilatérale légèrement atténuée par les traitements symptomatiques. Parfois c’est une simple sensation de gêne ou de corps étranger pharyngé. Une adénopathie cervicale révélatrice est souvent constatée (niveau II, III). La notion d’angine répétée ou trainantes quelques semaines avant l’apparition des ganglions est souvent rapportée. Plus rarement il s’agit d’une toux rebelle, d’une hémoptysie, d’une dénutrition avec altération de l’état général signant une atteinte viscérale (pulmonaire) associée.
L’examen de l’oropharynx montre une ou plusieurs ulcérations de l’amygdale palatine arrondies, atones de couleur gris jaunâtre entourée d’un liseré hémorragique et recouverte de débris caséeux. Ces lésions peuvent diffuser au pharynx.
La tuberculose amygdalienne peut prendre une forme trompeuse d’hypertrophie globale unilatérale évoquant en premier un lymphome amygdalien.
L’atteinte ganglionnaire est notée dans 80 à 90% des cas sous forme d’adénopathies de taille et de nombre variable (niveau II et III entre 30 à 40mm) fermes indolores et mobiles (en absence de péri adénite) [4]. Ces adénopathies peuvent évoluer rapidement (terrain) vers la suppuration et la fistulisation.
L’examen clinique permet de faire le bilan lésionnel de toute la sphère ORL. Des localisations multiples associées sont possibles ; cavum, larynx, base de langue, paroi postérieur du pharynx et hypo pharynx.
Sur le plan biologique la vitesse de sédimentation est accélérée, la numération sanguine montre rarement une lymphocytose. L’IDR à la tuberculine peut être évocatrice en cas de réponse positive ou phlycténulaire mais peut être négative.
Le télé thorax est systématique pour la recherche de lésions tuberculeuses évolutives ou anciennes. L’échographie cervicale permet un bilan des atteintes ganglionnaires en précisant le nombre, le siège, l’écho structure, les limites la présence de nécrose ou de calcifications. Elle permet également de suivre leur évolution sous traitement.
Le scanner cervical et de l’oropharynx peut s’imposer devant une lésion ulcérée atypique avec adénopathie satellite évoquant un carcinome de l’oropharynx.
Une observation d’un patient ayant bénéficié d’une TEP dans le cadre de l’exploration d’une dysphagie associée à une dysphonie avait montré une de fixation du FDG au niveau amygdalien (amygdale droite) et des ganglions cervicaux, la biopsie ayant confirmé le diagnostic de tuberculose pharyngo- amygdalienne [8].
Le diagnostic d’une tuberculose amygdalienne est bactériologique et /ou anatomopathologique. La constatation d’un follicule Giganto cellulaire avec nécrose caséeuse est spécifique d’une tuberculose. La bactériologie (écouvillonnage de l’ulcération, culture d’un fragment de biopsie amygdalienne) permet d’identifier le type de mycobactérie par un examen direct (coloration de Zieel-Nelsen) et surtout culture sur milieu spécifique (milieu de Loweinstein- 6 à 9 semaines). Elle offre la possibilité de disposer d’un antibiogramme (fichier épidémiologique, formes résistantes, récidivantes ou multi traitées).
Les progrès de la biologie ont permis de raccourcir de façon très sensible ces délais. Il s’agit notamment de l’identification précoce des souches de mycobactéries par amplification génique (PCR), les cultures en milieu liquide soit monophasique BACTEC 12B, milieu 13A, BACTEC 9000MB, MB/BACT (délai moyen de 11,8 jours) ou bi phasiques (liquide et solide) MBChek, SEPTI-Chek (19 à 29 jours) [9-11].
Les tests basés sur la production de Gamma-interféron en réponse à des antigènes spécifiques de M.tuberculosis ont suscités un intérêt (dépistage).
Le QuantiFERON- TB Gold peut être contributif dans certaines formes de tuberculose extra pulmonaire bien qu’il reste utile essentiellement au cours des enquêtes autour d’une tuberculose à partir de l’âge de 5 ans ou dans les cas ayant échappés à une vaccination au BCG [11].
Ce test est également intéressant pour dépister une tuberculose avant un traitement anti TNF.une observation de tuberculose amygdalienne a été rapportée chez un patient âgé de 61 ans 7 mois après un traitement par anti TNF- alpha pour une polyarthrite rhumatoïde [12].
En présence d’une ulcération amygdalienne, il faut évoquer en fonction de l’âge, des facteurs de risque (tabac, alcool), de l’épidémiologie et des caractères anatomocliniques ; un épithélioma de l’amygdale, une angine de Vincent, une ulcération syphilitique, une mononucléose infectieuse, une fièvre typhoïde (angine de Duguet) ou une ulcération amygdalienne au cours des maladies sanguines (agranulocytose, pancytopénie, leucoses aigues).
L’association tuberculose-cancer n’est pas exceptionnelle au niveau des VADS. Toute atypie de présentation (saignement, fixité, dureté, ou infiltration au toucher) ou au cours de l’évolution impose la reprise des investigations (biopsies, amygdalectomie diagnostique, scanner) [13].
Le bilan pré thérapeutique comporte la recherche d’un terrain particulier (sérologie HIV), une bacilloscopie, un bilan urinaire (échographie et bactériologie des urines).
Le traitement de la tuberculose amygdalienne est médical. Il repose sur les antituberculeux en association sur une période prolongée. Il est soumis à une obligation de diagnostic préalable (bactériologie ou histologie). Il associe généralement la Rifampicine (10mg/kg/j), l’isoniazide (5mg/kg/j) et la pyrazinamide (20 à 30 mg/kg/j) pendant deux mois puis rifampicine, pyrazinamide pendant quatre mois (régime RHZ-2/RH- 4). Il existe des schémas adaptés à des terrains particuliers (quadrithérapie en cas d’infection à VIH) et des régimes dit de 2 ème ou 3 ème ligne (récidives, formes résistantes) qui relèvent d’une prise en charge spécialisée.
La chirurgie a une place limitée. Une amygdalectomie peut être nécessaire en cas de persistance d’une ulcération douloureuse (association tuberculose-cancer) car elle permet une étude anatomopathologique de l’ensemble de la pièce opératoire. Ailleurs il peut s’agir de séquelles évolutives amygdalo-vélaires (synéchies, perforation, rétraction) qui relèvent de gestes adaptés (plasties, lambeaux).
La chirurgie des lymphatiques du cou (curage ganglionnaire) est indiquée en cas de persistance des adénopathies après traitement anti tuberculeux (3 à 4 mois après la fin du traitement) ou en cas de complications : abcès froid, fistulisation à la peau.
La tuberculose amygdalienne reste une manifestation rare de la maladie tuberculeuse. Elle est peu spécifique soit une ulcération isolée ou une hypertrophie globale de l’amygdale. Le diagnostic est histo -bactériologique et le traitement médical (antituberculeux) adapté au terrain et aux caractéristiques biologiques du bacille tuberculeux. L’évolution est le plus souvent favorable.
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