Epidémiologie de Chlamydia trachomatis à l’Hôpital militaire de Meknès
Jawad Rochdi (jawadinou at yahoo dot fr) #, Mohammed Sbiti, Khalid Lahmadi, Lhoussain Louzi
Service des Laboratoires de Biologie Médicale Hôpital Militaire Moulay Ismail de Meknès, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
http://dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1399
Date
2015-04-19
Citer comme
Research fr 2015;2:1399
Licence
Résumé

Introduction: Chlamydia trachomatis (Ct) est l’agent le plus fréquent des infections bactériennes sexuellement transmissibles (IST) qui posent mondialement un problème de santé publique. Les méthodes de diagnostic ont connu un réel progrès depuis plus d’une décennie avec les tests d’amplification d’acides nucléiques. Objectif : Contribuer à l'épidémiologie de Ct parmi les patients diagnostiqués dans notre formation. Patients et méthodes : Étude prospective sur trois mois consécutifs (Septembre - Novembre 2013), réalisée au laboratoire de bactériologie de l’Hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès (Maroc) sur des patients des deux sexes, ayant subi des prélèvements génitaux. La détection de Ct a été basée sur le test immunochromatographique (TIC) (Chlamytop AgTM, All Diag, France). Résultats : Un total de 96 patients a ainsi été exploré. Le sexe ratio M/F était 1,6. L'âge moyen était 33,5 ans (extrêmes : 12 et 62 ans). La plainte la plus fréquente était l'infertilité. La prévalence globale des infections par Ct était 27,08 % (soit 44,07 % des hommes). Les partenaires sexuels multiples, le sexe masculin et l'infécondité étaient les facteurs de risque statistiquement associés à la présence de Ct (test exact de Fisher : p << 0,05). Discussion et conclusion : Nos résultats sont différents de ceux obtenus aux pays occidentaux, mais assez similaires à ceux rapportés en Tunisie, Brésil ou Turquie. L’épidémiologie locale, la disparité des populations étudiées et les méthodes diagnostiques mises en œuvre en sont des explications majeures. Le TIC dans notre étude s’est révélé sensible sur le sperme et pas sur les autres échantillons. L’incertitude sur la qualité du prélèvement chez les femmes rend difficile l'interprétation de nos résultats pour cette sous-population. En conséquence, la phase pré-analytique, représentée par l'examen médical, le questionnaire et les prélèvements, doit être maîtrisée autant que possible pour réduire son impact négatif. En plus, l'équipement pour l'amplification d'acides nucléiques est nécessaire à la fois pour le diagnostic et la confirmation afin d’être en accord avec les recommandations de l'OMS.

English Abstract

Background: Chlamydia trachomatis (Ct) is the most common agent of bacterial sexually transmitted diseases and poses a public health problem. Objective: The aim of our study is to contribute to the epidemiology of these bacteria-related infections in our region. Patients and methods: This prospective study in three consecutive months in 2013 was conducted at the laboratory of bacteriology at the Military Hospital of Meknes on patients, regardless of sex or age, who have undergone cytobacteriological analysis of genital specimens. The detection of Ct was based on immunochromatography test (ICT). Results: A total of 96 patients have been explored. The sex ratio M / F was 1.6. The median age was 33.5 years (range 12 to 62 years). The most common complaint was infertility. The prevalence of Ct infections was 27.08 % (44.07% of men). Multiple sexual partners, male sex and infertility were risk factors statistically associated with the presence of Ct (Fisher exact test: p << 0.05). Discussion and Conclusion: Our results were different from those of occidental countries, but rather similar to those reported in Tunisia, Brazil and Turkey, likely due to local epidemiology, the disparity in study populations and diagnostic methods. ICT in our study was sensitive on sperm and not on other types of samples. The uncertainty on the quality of the sample of women makes it difficult to interpret our results for this sub-population. As a result, the pre-analytical phase, represented by the medical examination, the questionnaire and levies, should be controlled as much as possible to reduce its negative impact. In addition, equipment for the amplification of nucleic acids is necessary for both the diagnosis and the confirmation to be in accordance with the WHO recommendations.

Introduction

Selon l’OMS, l’incidence journalière des IST à l’échelle mondiale s’élève à plus d’un million de cas. Chaque année, 500 millions de personnes s’infectent par une des quatre étiologies, à savoir: Chlamydia trachomatis (Ct), Neisseria gonorrhoeae (Ng), Treponema pallidum subsp. pallidum et Trichomonas vaginalis. La majorité de ces IST restent asymptomatiques mais elles constituent le cinquième motif de consultation. Quelques-unes d’entre elles augmentent le risque d’acquisition du HIV trois fois ou plus et la plupart évoluent vers la chronicité avec des conséquences sur la santé individuelle et collective, la fertilité et la transmission périnatale [1].

Le nombre de dépistages et de diagnostics d’infections urogénitales à Ct est en augmentation chez l’homme comme chez la femme. En matière de diagnostic biologique d’une infection à Ct, depuis 2011, seuls les tests d’amplification des acides nucléiques (TAAN) sont retenus à la fois comme technique diagnostique et comme acte remboursable [2].

Actuellement, la lutte contre les infections à Ct passe en grande partie par le dépistage ciblé, tant chez les hommes que chez les femmes en fonction de critères anamnestiques et/ou cliniques. A ce sujet, les méthodes immunologiques recherchant les antigènes chlamydiens telle que le TIC représentent une alternative pour les laboratoires non équipés en TAAN.

L’objectif de ce travail est d’estimer la prévalence des infections urogénitales à Ct à l’Hôpital Militaire Moulay Ismail de Meknès (HMMI) par TIC et discuter nos résultats par rapport aux données de la littérature.

Patients et methodes

Il s’agit d’une étude prospective descriptive sur des patients des deux sexes pendant une période de 3 mois, du 1er septembre 2013 au 30 novembre 2013. Ont été inclus 96 patients suivis à titre externe ou hospitalisés et ayant bénéficié d’une prescription médicale en vue d’un prélèvement génital pour étude cytobactériologique que la recherche de Ct soit explicite ou non. Un dépistage systématique des Ct a été réalisé sur tous les prélèvements récoltés. Une fiche patient a été préparée afin de compléter et de standardiser les renseignements utiles pour l’analyse statistique et épidémiologique. Les prélèvements urogénitaux (urétral, sperme, premier jet d’urine) ont été réalisés pendant les matinées au niveau de la salle de prélèvements et sont ensuite acheminés vers le laboratoire de bactériologie et les prélèvements vulvo-vaginaux et cervicaux ont été réalisés au niveau du service de gynécologie-obstétrique. La détection de Ct dans les prélèvements est faite par TIC (ou ICT immunochromatographic test) a l’aide de kits All Diag (France) dénommés CHLAMYTOP Ag ®.

La taille de l’échantillon a été déterminée suivant les recommandations de l’OMS [3].

L’analyse statistique a été réalisée grâce à un site de bio-statistique en ligne « BiostaTGV » parrainé par Institut Pierre Louis d'Epidémiologie et de Santé Publique : http://marne.u707.jussieu.fr/biostatgv/?module=tests

Resultats

Quatre vingt seize patients ont été explorés durant la période de 3 mois. La grande majorité (91/96 soit 94,8 %) est suivie à titre externe. Ils se répartissaient entre 37 patientes (F: 38,54 %) et 59 patients (H: 61,46 %) soit un sexe ratio H/F de 1.6. La moyenne d’âge était 34.49 +/- 8.89 ans (extrêmes 12 et 62 ans). L’écrasante majorité des patients inclus était des mariés (n=88, soit 91,67 %). Un taux de 9,38 % de notre population avait moins de 25 ans. Près de la moitié des 59 hommes (47,83 %) s’est présentée pour explorer un problème d’infertilité. Egalement, 48,53 % des 37 femmes se plaignaient de leucorrhées. L’absence d’antécédents médicaux à été noté dans 78,13 % (n= 75) contre 93,75 % concernant les antécédents chirurgicaux (n= 90). Quand ils sont relatés, ils sont d’ordre urologiques ou gynéco-obstétricaux. Un total de 27 patients (28,13 %) ont affirmé avoir eu des actes sexuels avec plusieurs partenaires au cours d’une période de leur vie non datée avec précision. La méthode de diagnostic par TIC a permis de trouver une prévalence globale de l’infection à Ct de 27,08 %, tous des hommes.

L’application du test statistique de Fisher bilatéral à la variable « âge » n’a pas permis de noter de facteur de risque accru pour aucune des classes d’âges. Même si la tranche d’âge des moins de 25 ans est la plus touchée par l’infection avec une prévalence de 33,33 %, supérieure à celle des plus de 25 ans (29,87 %), cette liaison n’est pas statistiquement significative (p=0.65). Le paramètre « sexe » a permis de noter que la prévalence de l’infection à Ct chez les hommes est importante (44,07 %) et est nulle chez les femmes. Cette liaison est statistiquement significative (p<<< 0,05). En fonction de la situation matrimoniale, la prévalence de l’infection à Ct chez les sujets célibataires (25,00 %) est plus faible que celle des mariés (27,27 %), mais cette liaison est statistiquement non significative (p=1). Le terrain constitue également un facteur de risque important, notamment la multiplicité des partenaires. En effet, la prévalence la plus élevée (70,37 %) est représentée par les patients ayant des antécédents de « vagabondage » sexuel. Cette liaison est statistiquement significative (p<<<<0,05). Le traitement médicamenteux en cours n’a pas montré de liaison statistiquement significative (p=1) comme le montre les taux très proches d’infection à Ct entre les différentes catégories, avec et sans prise d’antibiotiques. Le type du prélèvement a cependant, une influence sur les résultats. En effet, le sperme a montré la prévalence la plus importante (52,00 %) alors qu’elle est nulle pour les autres types de prélèvements (p<<<0,05). Les antécédents médicaux ou chirurgicaux (pris séparément) n’ont pas montré de risque plus élevé chez les deux groupes Ct+ et Ct-. Les différences entre les fréquences relevées chez les patients ayant un antécédent d’IST sont plus importantes (50,00 %) que ceux ayant un antécédent d’une infection urinaire (26,67 %) ou n’ayant rapporté d’antécédent médical (25,33 %) d’un côté ; ou ceux ayant eu un antécédent chirurgical urologique (50,00 %) ou n’ayant aucun antécédent chirurgical (26,67 %) de l’autres côté ; ces différences entre antécédents médicaux et antécédents chirurgicaux ne sont pas statistiquement significatives (p=0.482 et p=0.460) (Tableau 1).

Patients Ct+ Ct- Prévalence p. Value
Age<183030,00% 0,6497
19-2563350,00%
26-3552143826,92%
36-603282425,00%
>6031233,33%
TerrainVagabond sexuel2719870,37%0,0000
Type de prélèvement1er jet d'urine3030,00% 0,0000
Prélèvement urétral7070,00%
Sperme50262452,00%
SexeFéminin370370,00% 0,0000
Masculin59263344,07%
Motifs de consultation hommeBrûlures mictionnelles1831516,67% 0,1559
Douleurs des testicules73442,86%
Ecoulement urétral1431121,43%
Hypofertilité21150,00%
Infertilité44212347,73%
Douleurs du pénis31233,33%
Hémospermie1010,00%
ATCD chirurgicauxGynéco-Obst2020,00%0,4600
Urologiques42250,00%
ATCD médicauxInfection urinaire1541126,67% 0,4823
IST63350,00%
Situation matrimonialeCélibataire82625,00% 1,000
Marié( e )88246427,27%
Antibiothérapieoui82625,00% 1,000
non88246427,27%
Tableau 1. Prévalences de l’infection par MUG en fonction des variables étudiée.
Discussion

L’infection uro-génitale à Ct est la première cause d’IST d’origine bactérienne, dans les pays industrialisés. C’est une bactérie pathogène strictement humaine, de répartition mondiale [4]. Elle est reconnue comme un problème majeur de santé publique en raison des complications qu’elle peut engendrer chez la femme : salpingite, grossesse extra-utérine et stérilité tubaire [5, 6].

En appliquant l’ICT, dont l’efficience diagnostique est en-deçà des autres techniques, la prévalence globale de Ct dans la population étudiée (n=96) était de 27.08%. Elle est de 44,1% chez les hommes alors qu’aucune femme n’a été dépistée positive ! Cette prévalence est supérieure à celle observée dans la population générale au Maroc (qui est de 2.6 à 6.3% d’après Kouyoumjian S P et al [7]. En revanche, nos résultats sont comparables à ceux des études portant sur des patients des services spécialisés dans la prise en charge des maladies sexuellement transmissibles symptomatiques [8-11].

Mais dans les pays occidentaux, ciblant une population à risque, les résultats à propos de la prévalence de Ct restent nettement inférieurs à ceux rapportés par notre étude. En effet, ces résultats varient entre 7% et 15%. Ils concernent les populations recrutées dans les centres de planification et d’éducation familiale, ceux de dépistage anonyme et gratuit, ceux d’information, de dépistage et de diagnostic des IST et les centres d’interruption volontaire de grossesse [12-15]. Notons que cette population est visiblement plus hétérogène par rapport à la nôtre et est prise en charge dans un but préventif également. Nos patients se situent dans la catégorie des populations dites à risque ou symptomatiques, puisque l’HMMI constitue une structure de prise en charge clinique ou psychologique en raison du retentissement large des IST et leurs conséquences sur la fécondité. La prévalence de Ct retrouvée nulle chez les femmes ne peut pas, statistiquement parlant, être rejetée par rapport aux études marocaines menées sur les femmes (Tableau 2) à cause du manque de la puissance statistique liée à la faible taille d’échantillonnage (n=37). A cela s’ajoutent nos doutes concernant la qualité du TIC sans omettre la qualité du prélèvement que nous allons évoquer plus loin.

Références Population Prévalence de Ct (%)
Ministère de la santé du Maroc [33] F : PSPN
F : PCPF
2,7*
5,2*
Ryan CA , 1998 [8] F : PCPF
F : PCSP
F : PSMST
2,6*
6,3*
5,0*
Ministère de la santé ; 2008 [9] F : Symptomatiques
F : PS
5,6*
19,1
Alami K , 2002 [10] H : PSMST17,1*
Heikel J ; 1999 [11] H : PSMST
F : PSMST
49,0*
47,8
Thèse pharmacie n° 75, 2013 [34] H symptomatiques
F symptomatiques
5,6
0,1*
Notre étude 2014Infertilité et autres motifs H
F
44,1
0,0
Tableau 2. Prévalence de Ct au Maroc. « * » Pourcentages pour lesquels il n’existe pas de différence statistiquement significative avec ceux de notre étude. PSPN : patientes des services prénataux ; PCPF : public des centres de planification familiale ; PSCP : Patientes des centres de soins primaires ; PSMST : patients des services spécialisés dans les maladies sexuellement transmissibles ; PS : les prostituées ; H : hommes ; F : femmes.

Nos résultats concernant Ct, par rapports aux données internationales sont donnés dans le tableau ci-dessous (Tableau III). Ils sont différents de ceux des pays occidentaux, mais assez similaires à ceux notés en Tunisie, Brésil ou Chine. Notons au passage, la grande similitude des niveaux socio-économiques et des habitudes dans ces pays et le Maroc.

Référence Prélèvement et méthodes Population Ct (%)
Ito S 2012Japan [35] PJU
PCR
Hommes <40ans
Avec épididymite
sans épididymite

50,00*
28,00
Al-Sweih NA 2012 Kuwait [29] Sperme
Selon OMS
Hommes
Infertiles
Fertiles

3,90 3,70
Zhou Y 2011 China [36] ?
?
Femmes à stérilité tubaire (st)15,00
Liu J 2014 China [28] Sperme selon OMS PCR
Culture sur milieu spécifique
Hommes infertiles
Contrôles
2,58
2,28
Aydin Y 2010 Turkey [37] Liq. Périton. Cervical PCRF enceintes
Contrôles
7,30
2,40
Rodrigues 2011 Brazil [38] Endocervical PCRFemmes consultantes6,30*
Gdoura R 2008 Tunisia [25] PJU, sperme PCR Hybrid maisonHommes infertiles43,30*
Notre étude 2014PJU, PU, Endocol, Sperme
ICG Mycoplasma Test
Infertilité et autres motifs
H
F
27,10
44,10
0,00
Tableau 3. Prévalences de Ct dans différents pays. « * » Pourcentages pour lesquels il n’existe pas de différence statistiquement significative avec ceux de notre étude.

La comparaison des différentes études nationales et internationales a ressorti des différences parfois importantes entre les prévalences de Ct en fonction des techniques et prélèvements utilisés, des populations étudiées et des pays, avec une invariable qui est que l’infection à Ct est plus fréquente chez les sujets à risque et/ou présentant une pathologie urogénitale évidente. Mais cette plus forte prévalence est parfois non significative renforçant les conclusions de certaines études qui ne recommandent pas de dépistage systématique, mais plutôt une recherche chez les populations présentant des facteurs de risque par l’examen clinique et l’anamnèse [16, 17]. Il est à noter, que le recours fréquent de la population marocaine à l’automédication [18], le caractère pauci-symptomatique de l’infection à Ct et la non généralisation de la biologie moléculaire contribuent à la sous-estimation de la prévalence et de l’incidence réelle de cette infection au Maroc.

Dans notre étude, nous avons tenté d’identifier les facteurs de risques éventuellement associés à l’infection à Ct en utilisant l’analyse multivariée. Il en découle que les partenaires sexuels multiples, le sexe masculin et l'infécondité soient les facteurs de risque statistiquement associés à la présence de Ct (p << 0,05). Ainsi nos résultats concordent avec ceux rapportés dans la littérature. En effet la multiplicité des partenaires, dans de nombreuses études [19-21], est le deuxième facteur de risque prédictif après le jeune âge. Le sexe masculin comme facteur de risque, confirme que les hommes, en matière d’IST, sont plus symptomatiques que les femmes et se dirigent, plus fréquemment aux structures de prise en charge. En effet, environ 80% des femmes infectées et 50% des hommes infectés peuvent être asymptomatiques [22, 23]. Dans une étude de prévalence de Ct et Ng réalisée aux USA par Miller WC et al.,14322 jeunes adultes des deux sexes, âgés entre 18 et 26 ans, ont été dépistés pour les deux germes en utilisant la technique d’amplification LCR (Ligase Chain Reaction). Parmi les jeunes adultes symptomatiques, la prévalence de l'infection à Ct était beaucoup plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Au sein du petit nombre de jeunes hommes souffrant d’un écoulement urétral (n = 17), la prévalence de l'infection à Ct était élevée (38.46%), tandis que celles chez les femmes ayant déclaré une dysurie (n = 232) ou des pertes vaginales (n =98) étaient de 6.01% et 0.93% respectivement [24]. Ceci renforce l’idée que l’infection à Ct est plus expressive cliniquement dans le tractus génital mâle.

Notre étude a montré aussi que Ct était répandu chez les partenaires mâles des couples infertiles comme le met en évidence sa prévalence élevée (44.68% parmi les mariés). Ce résultat est très similaire à celui d’une étude tunisienne menée par Gdoura et al. [25], qui ont rapporté un taux de 43.3% et généralement comparable à des études conduites dans les pays occidentaux [26, 27]. En revanche, d’autres études ont montré qu’il n’existe pas de différences significatives entre les prévalences de Ct chez les individus fertiles et infertiles [28, 29], d’où le caractère controversé du lien entre l’infécondité et l’infection à Ct. Ceci avait été souligné dans le rapport de 2009 de l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control) qui a indiqué que seuls, le jeune âge (<25 ans) et la multiplicité des partenaires constituaient des facteurs de risque importants et qu’il n’existe pas d’autres facteurs clairs [30].

Concernant les techniques utilisées, il ressort que les TAAN sont les plus utilisés et l’OMS les recommande. De ce point de vue, notre TIC ne devrait pas être retenu, d’autant plus qu’il y a un biais concernant les prélèvements chez la femme qui correspondraient plus à des échantillons vulvo-vaginaux plutôt qu’endocervicaux, mais sur lesquels les TAAN sont aussi efficaces. Cependant des questions restent posées. Comment expliquer les positivités que nous avions pu obtenir avec le sperme ? Est-ce un échantillon adapté à cette technique ? Ces inconnues méritent d’être élucidées par la conduite d’un travail prospectif dans lequel le sperme sera traité à la fois par TIC et par PCR comme gold standard à la recherche de Ct, notamment chez ces hommes venant pour un motif d’hypofertilité ou prostatite « aseptique ». Pour les pays industrialisés, les recommandations 2014 du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) en matière du diagnostic de l’infection à Ct, ne retiennent pas les EIA (Enzymo-Immuno-Assay) dont TIC pour une utilisation à grande échelle, étant donné un risque élevé de faux négatifs, mais admet que de réels progrès ont été réalisés pour améliorer les performances de ces tests, qui pourront devenir la meilleure alternative low-cost aux TAAN [31]. D’un autre côté, l’absence de positivité chez les femmes explorées par ce test sur les prélèvements censés avoir été effectués sous spéculum, montre 1) soit que les échantillons analysés ne sont pas endocervicaux, seuls indiqués pour le TIC; 2) soit qu’ils sont endocervicaux mais contenaient moins d’antigènes de Ct que le seuil de détection; 3) soit que nos patientes étaient réellement négatives pour Ct. Nous avons donc toutes les raisons pour continuer à utiliser ce genre de tests rapides afin de contribuer au diagnostic des IST à Ct, pourvu que les patients qui nous sont adressés soient cliniquement et épidémiologiquement à grand risque ; et pourvu que les prélèvements indiqués soient bien faits et supervisés par le biologiste et enfin, pourvu que les tests qui seront commercialisés au Maroc soient des kits éprouvés et certifiés.

Enfin, la comparaison de différentes études, nationales et internationales, est difficile compte tenu de l’hétérogénéité des protocoles : inclusion des hommes et/ou des femmes, classes d’âge variées, facteurs de risque connus ou non, niveau socio-économique bas ou élevé, mode de prélèvement différent, entretien individuel ou non [32]. Notre travail s’inscrit dans cette optique puisque notre population est déjà elle-même composite, non sélectionnée par des critères d’inclusion que nous aurions définis au préalable, mais suffisamment orientée vers un diagnostic de Ct vu l’anamnèse, les symptômes urogénitaux et les problèmes d’infertilité des couples, donc différente de la population générale. Concernant les méthodes diagnostiques, les tests d’amplification d’acides nucléiques, par leur extrême sensibilité et spécificité ont supplanté la culture cellulaire dans le domaine de Ct. Ces TAAN sont répandus depuis plus de 10 ans dans les laboratoires des pays industrialisés et quelques pays émergents. Les pays moins développés peinent encore à suivre faute de ressources mais aussi faute de stratégies claires en matière d’équipement en appareils de biologie moléculaire en dépit des avantages réels de ces techniques qui ne sont plus à démontrer.

Conclusion

L’OMS préconise les TAAN pour le diagnostic de Ct, mais le TIC a un apport en matière diagnostique dans les infections urogénitales basses à Ct chez l’homme sur les prélèvements de sperme et probablement sur les autres prélèvements urogénitaux si on s’acharne à bien les faire. Mais les prélèvements positifs devraient être confirmés par une technique gold standard, en l’occurrence un TAAN, auprès d’un laboratoire équipé de biologie moléculaire. D’un autre côté, les prélèvements chez les femmes devraient être endocervicaux, seuls indiqués pour le TIC. Il convient donc de veiller d’une part à ce que le biologiste ou le médecin traitant s’assurent de la qualité des prélèvements génitaux pour maitriser la phase pré-analytique. D’autre part, les prescripteurs devraient changer d’habitude dans l’appellation des examens de bactériologie en étant plus clair et plus précis ; exemple : prélèvement endocervical au lieu de prélèvement vaginal chez la femme; ou plus précisément, recherche de tel ou tel micro-organisme au niveau génital et confier au biologiste la réalisation du prélèvement.

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ISSN : 2334-1009