Aplasie vaginale avec utérus fonctionnel : A propos d’un cas
Ahmed Meklaa (wafameklaa at gmail dot com) #, Driss Rahali Moussaoui, Mohammed Dehayni
Service de gynécologie-obstétrique, l’hôpital militaire d’instruction Mohamed V Rabat
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2268
Date
2017-05-03
Citer comme
Research fr 2017;4:2268
Licence
Résumé

Introduction: L’aplasie vaginale isolée est une entité pathologique rare due à une anomalie du développement de la partie terminale des canaux de Müller. Cas clinique : Nous rapportons le cas clinique d’une patiente âgée de 20 ans, qui a présenté une aménorrhée primaire associée à des douleurs pelviennes, cycliques, chez qui l’examen au speculum a objectivé un vagin borgne. L’IRM a mis en évidence une atrésie du col avec absence de la partie supérieure du vagin. Le diagnostic d’aplasie vaginale partielle sur utérus fonctionnel a été retenu. La patiente a eu une plastie vaginale par voie abdomino-périnéale. L’évolution était satisfaisante avec cycles réguliers et amélioration des douleurs pelviennes. Le recul est de neuf mois. Conclusion : Quelle que soit la technique chirurgicale pratiquée, la vaginoplastie permet dans cette malformation rare de rétablir l’intégrité physique et la fonction sexuelle.

English Abstract

Introduction: Isolated vaginal aplasia is a rare condition due to an anomaly in the development of the terminal part of the Müller’s canals. Case: We report the case of a 20-year-old patient with primary amenorrhea associated with recurrent pelvic pain. The examination with the speculum has showed a blind vagina. MRI revealed an atresic cervix with absence of the upper part of the vagina. The patient underwent an abdominal-perineal vaginal plasty. The evolution was favorable with regular menstrual cycles and improvement of pelvic pain with 9 months’ follow-up. Conclusion: Regardless of the surgical technique used, vaginoplasty allows in this rare condition to restore physical integrity and sexual function.

Introduction

L’agénésie vaginale est une pathologie congénitale rare. Son incidence est de 1/4500 naissances féminines. L’étiologie la plus fréquente de ces agénésies est le syndrome de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser associé à une aplasie utérine [1]. L’aplasie vaginale peut cependant être isolée dans 9% des cas en présence d’un utérus fonctionnel. On distingue l’aplasie vaginale partielle avec récessus sous-cervical et l’aplasie vaginale totale. Au cours de l’embryogénèse, les canaux de Müller forment les trompes, l’utérus et les deux tiers supérieurs du vagin, la partie inférieure du vagin étant tributaire du sinus uro-génital. L’aplasie vaginale isolée est donc la conséquence d’un défaut de développement de la partie terminale des canaux paramésonéphrotiques. Nous rapportons le cas clinique d’une aplasie vaginale isolée sur utérus fonctionnel et discutons des aspects cliniques et thérapeutiques de cette malformation rare.

Observation

Il s’agissait d’une patiente âgée de 20 ans, divorcée, sans antécédent pathologique particulier, notamment sans antécédent de contage tuberculeux, qui consultait pour une aménorrhée primaire associée à des douleurs pelviennes chroniques, cycliques, évoluant depuis quatre ans. L’examen clinique mettait en évidence un morphotype normal, une taille correcte, des caractères sexuels secondaires bien développés, sans masse abdomino-pelvienne. A l’inspection vulvo-périnéale, il existait un aspect normal des organes génitaux externes avec des grandes, des petites lèvres et un clitoris parfaitement constitués. A l’examen au spéculum et au toucher vaginal, il y avait une cupule vaginale de 6 cm, sans perception de masse pelvienne qui aurait pu être en rapport avec un éventuel hématométrocolpos. Il s’agissait d’un vagin borgne. L’échographie objectivait une hydrométrie avec atrésie cervicale sans visualisation de la partie supérieure du vagin, deux images kystiques au niveau des ovaires, homogènes, à contenu finement échogène mesurant 38 et 36 mm, sans épanchement péritonéal (Figure 1).

Aplasie vaginale avec utérus fonctionnel : A propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Aspect échographique de l’hydrométrie, col atrésique, absence de visualisation du vagin.

L’IRM pelvienne avait montré un utérus antéversé de 88 mm de hauteur, 48 mm d’épaisseur et 58 mm de largeur, siège d’une rétention hydrique au niveau de la ligne de vacuité. La zone jonctionnelle était épaissie à 12 mm et le myomètre homogène, avec présence de deux kystes ovariens bilatéraux en hypersignal T1 et T2 en faveur de kystes endométriosiques. Le col était atrésique avec absence de visualisation du l’extrémité vaginale supérieure (Figure 2).

Aplasie vaginale avec utérus fonctionnel : A propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Aspect IRM en séquence T2 de l’atrésie cervicale et vaginale supérieure.

Le diagnostic d’agénésie vaginale partielle sur utérus fonctionnel avec atrésie cervicale était retenu. La patiente a eu une plastie vaginale par voie abdomino-périnéale. La technique utilisée a consisté à une incision transversale de la muqueuse de la cupule vaginale avec décollement de l’espace intervésico-rectal. Vu la difficulté de repérer le col atrésique et afin de minimiser le risque de fausses routes, une hystérotomie corporéale a été réalisée avec introduction d’une sonde permettant d’orienter la dissection jusqu’au col atrésique, qui a permis - une fois perméabilisé - le passage de la sonde jusqu’au vagin. Les parois vaginales ont ainsi été implantées sur l’isthme utérin. La sonde a été gardée pendant cinq jours pour réduire le risque de sténose cervico-vaginale et permettre de maintenir la continuité entre la cavité utérine et le vagin. Les suites opératoires étaient simples. L’évolution a été marquée par l’apparition de cycles réguliers avec amélioration des douleurs pelviennes. Le recul est de neuf mois.

Discussion

L’atrésie vaginale isolée totale ou partielle est une anomalie congénitale rare. Elle ne représente que 9% des cas d’aplasie vaginale. La majeure partie est habituellement associée au syndrome de Rokitansky. Le col utérin peut être normal ou atrésique. Cette malformation est secondaire à un défaut de développement des conduits paramésonéphrotiques au cours de l’embryogénèse. Le vagin est alors remplacé par du tissu fibreux [1, 2].

Le tableau clinique commun est celui d’une jeune fille en âge pubertaire qui consulte pour aménorrhée primaire dont le caractère normohormonal est évident d’emblée à l’inspection devant les caractères sexuels secondaires développés (c’est le cas de notre patiente). L’interrogatoire relève la notion d’algies pelviennes chroniques cycliques. L’examen clinique trouve un morphotype normale, une traille correcte, un bon développement mammaire, une pilosité axillaire et pubienne fournie, des organes génitaux externes parfaitement constitués. L’examen au spéculum associé au toucher vaginal ou le toucher vaginal monodigital combiné au toucher rectal ne perçoit qu’une cupule vaginale qui mesure 3-4cm, cette cupule vaginale est borgne dépourvue de pertuis. Chez notre patiente la longueur vaginale est de 6cm sans doute par élongation du fait de coïts répétés. L’utérus est habituellement augmenté de taille du fait de l’hématométrocolpos. Rarement, le diagnostic peut être tardif chez une femme ayant une aménorrhée primaire mais qui consulte pour des rapports sexuels difficiles du fait d’une pénétration vaginale insuffisante ou qui se présente en consultation pour infertilité primaire lorsque la cupule vaginale s’est laissé suffisamment distendre par des coïts successifs au point de permettre une vie sexuelle normale [3]. Exceptionnellement, le diagnostic peut être porté devant des douleurs pelviennes chroniques en période néonatale ou en période prépubertaire avec augmentation du volume utérin en rapport avec un hydrométrocolpos secondaire à l’accumulation de mucus ou de sécrétions endométriales et cervicales en raison de la stimulation oestrogénique en période pré-pubertaire. Le mucus ainsi accumulé peut s’infecter et réaliser un pyométrocolpos [4]. Ozlem Dural et al. ont rapporté le cas d’une atrésie vaginale isolée découverte dans le cadre du bilan d’une infection urinaire récidivante chez une jeune fille en période prépubertaire. Un examen clinique minutieux permet donc de faire suspecter le diagnostic et d’éviter tout bilan hormonal inutile ou toute hormonothérapie abusive.

L’échographie pelvienne confirme le diagnostic. Elle objective l’image d’une hématométrie avec agénésie vaginale totale ou partielle, des ovaires fonctionnels renfermant des follicules. L’échographie rénale ou l’urographie intra-veineuse recherchera une malformation urinaire associée. En effet, la reconnaissance précoce d’un rein pelvien notamment unique évitera d’éventuels traumatismes lors de la reconstruction chirurgicale. L’intérêt de l’IRM est de mieux préciser la hauteur et l’étendu de l’aplasie vaginale permettant ainsi d’orienter le choix de la technique chirurgicale la plus adaptée [5].

L’atrésie vaginale peut s’associer à des uropathies malformatives comme l’agénésie rénale unilatérale, l’ectopie, la malrotation ou la dystrophie rénale. Elle peut également être associée à des anomalies squelettiques à type de scoliose, fusion vertébrale, syndactylie, hypoplasie de l’éminence thénar. Comme elle peut s’intégrer dans le cadre d’un syndrome polymalformatif dans le syndrome de Winter qui associe malformations rénales, génitales et auditives, ou le syndrome de McKusick Kaufman qui associe polydactylie postaxiale, malformation cardiaque et hydrométrocolpos. Chez notre patiente, l’aplasie vaginale était isolée. Aucune malformation associée n’a été constatée.

La prise en charge de ces patientes est chirurgicale. Elle a pour but non seulement de créer un néovagin qui permettrait des rapports sexuels satisfaisant mais de reconstituer une filière utéro-vaginale normale afin de permettre l’évacuation du sang menstruel et des sécrétions cervicales. L’instauration d’une aménorrhée thérapeutique doit être la règle afin de réaliser un bilan morphologique précis et de préparer la jeune fille à la chirurgie. L’âge de la prise en charge est controversé. En cas de diagnostic établi fortuitement lors d’un examen d’imagerie réalisé pour un autre motif chez des patientes prépubertes asymptomatiques, la reconstruction vaginale sera reportée à l’âge pubertaire dès l’apparition de l’hématocolpos avant l’installation des l’hématométrocolpos. Cette approche permettra un développement suffisant du tissu vaginal facilitant l’anastomose vaginale dans les formes partielles limitées, en outre, elle réduirait le risque de sténose qui est une complication fréquente. Il n’existe pas de technique chirurgicale de référence. Toutes les techniques ont pour point commun la réalisation d’une dissection préalable du plan fibreux situé entre la vessie et l’urètre en avant et le rectum en arrière, et ce, par voie périnéale ou mixte périnéo-abdominale, avec cependant le risque de fausses routes qui n’est pas négligeable. On peut ainsi s’aider d’un toucher rectal ou de bougies introduites dans le rectum.

La prise en charge des aplasies vaginales limitées lorsque le segment atrésique n’excède pas 3 cm est simple. Elle se fait par anastomose directe de la muqueuse vaginale. A l’opposé, la chirurgie des formes étendues est plus complexe. Elle fait appel à des greffes cutanées ou intestinales [6]. Quelle que soit la technique adoptée, elle devra permettre à la patiente de retrouver son intégrité physique et d’accéder à une vie sexuelle normale. Contrairement au syndrome de Rokitansky, la vaginoplastie dans l’aplasie vaginale isolée peut permettre une grossesse.

Conclusion

L’aplasie vaginale est une malformation congénitale rare dont le tableau clinique classique est celui d’une aménorrhée primaire avec algies pelviennes chroniques cycliques. Le diagnostic repose sur l’examen clinique et l’imagerie. L’IRM a pour but d’évaluer l’importance de l’atrésie et ainsi d’orienter la prise en charge chirurgicale. Quelle que soit la technique chirurgicale pratiquée, elle aura pour but de rétablir l’intégrité de la filière utéro-vaginale et permettre ainsi à ces patientes, dont le vécu psychologique est particulièrement difficile, d’avoir une vie sexuelle satisfaisante et une possibilité de grossesse.

Références
  1. ACOG Committee Opinion No. 355: Vaginal agenesis: diagnosis, management, and routine care.. Obstet Gynecol. 2006;108: pubmed
  2. Roberts C, Haber M, Rock J. Vaginal creation for müllerian agenesis. Am J Obstet Gynecol. 2001;185:1349-52; discussion 1352-3 pubmed
  3. Michala L, Cutner A, Creighton S. Surgical approaches to treating vaginal agenesis. BJOG. 2007;114:1455-9 pubmed
  4. Shaked O, Tepper R, Klein Z, Beyth Y. Hydrometrocolpos--diagnostic and therapeutic dilemmas. J Pediatr Adolesc Gynecol. 2008;21:317-21 pubmed publisher
  5. Rall K, Eisenbeis S, Henninger V, Henes M, Wallwiener D, Bonin M, et al. Typical and Atypical Associated Findings in a Group of 346 Patients with Mayer-Rokitansky-Kuester-Hauser Syndrome. J Pediatr Adolesc Gynecol. 2015;28:362-8 pubmed publisher
  6. Ugur M, Balat O, Ozturk E, Bekerecioglu M, Dikensoy E. Pitfalls in diagnosis and management of distal vaginal agenesis: 10-year experience at a single centre. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2012;163:85-90 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009