Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas
E Oubelkacem1, A M Elgard1, E Mangel1, K Hassouni2
1 Service de radiothérapie Groupe hospitalier régional Mulhouse sud alsace France. 2 Service de radiothérapie CHU Hassan II Fès Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2154
Date
2017-02-21
Citer comme
Research fr 2017;4:2154
Licence
Résumé

Introduction : Le sarcome de Kaposi est une maladie angioproliférative considérée comme tumeur radiosensible. La technique d’irradiation par tomothérapie dans le sarcome de Kaposi n’a jamais été décrite dans la littérature. Observation : Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 67 ans, suivi pour sarcome de Kaposi. Sa maladie a progressé sous chimiothérapie. Cliniquement, il existait des lésions cutanées au niveau des membres inférieurs qui avaient été traitées par radiothérapie à la dose de 30,6 GY à raison de 1,8 GY par fraction : 5 fractions par semaine, délivrées en utilisant la tomothérapie. L’évolution était marquée par une bonne réponse clinique. Conclusion : La tomothérapie a permis à la fois une bonne couverture des lésions cutanées et une bonne épargne des organes à risque avec le minimum d’effets secondaires.

English Abstract

Introduction: Kaposi’s sarcoma is an angioproliferative disease which is considered a radiosensitive tumor. The technique of irradiation by tomotherapy in Kaposi’s sarcoma has never been described in the literature. Case: We report the case of a 67-year-old patient followed for Kaposi’s sarcoma. The disease progressed under chemotherapy. Clinically, there were cutaneous lesions in the lower limbs that had been treated with radiotherapy at a dose of 30.6 GY (1.8 GY per fraction): 5 fractions per week delivered using tomotherapy. Evolution was marked by good clinical response. Conclusion: Tomotherapy has both good coverage of the skin lesions and a good saving of the organs at risk with minimal side effects.

Introduction

Le sarcome de Kaposi est une maladie angioproliférative d’origine multifactorielle, apparaissant sous différentes formes clinico-épidémiologiques [1]. Il est considéré comme tumeur radiosensible, et la radiothérapie peut être une bonne palliation des symptômes.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Lésions du sarcome de Kaposi du membre inférieur gauche avec lymphoedème.

Ainsi l’irradiation du sarcome de Kaposi n’est pas rare, mais la technique d’irradiation par tomothérapie est la particularité de notre observation. A notre connaissance, l’utilisation de cette technique dans le sarcome de Kaposi n’a jamais été rapportée dans la littérature.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Lésions maculopapuleuses caractéristiques du sarcome de Kaposi.
Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 67 ans, suivi depuis 2008 pour maladie de Kaposi de type méditerranéen avec sérologie HIV négative. Le patient n’a pas eu de lymphopénie et n’était pas sous traitement immunosuppresseur. Le bilan scannographique n’avait pas retrouvé d’atteinte viscérale.

Il avait reçu onze cures de chimiothérapie à base de bléomycine dont la dernière était réalisée le 22/05/2015.

Il avait présenté en août 2016 une aggravation des lésions notamment au niveau du membre inférieur gauche, mais également au niveau de la jambe droite.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 3
Figure 3. Simulation avec des moyens de contention thermoformés personnalisés (vue de profil).

Le dossier fut discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire de dermatologie qui avait proposé une radiothérapie des membres inférieurs associée à un alitretinoine gel.

L’examen clinique à l’admission du patient au service de radiothérapie GHRMSA (Groupe hospitalier régional Mulhouse sud alsace) a mis en évidence des lésions au niveau des membres inférieurs surtout gauche, très inflammatoires, saignant au contact avec un lymphoedème important notamment au niveau des pieds, des chevilles et arrivant jusqu’aux genoux (Figures 1, 2).

Le patient a été simulé après confection de moyens de contentions thermoformés personnalisés (Figures 3, 4), avec réalisation de coupes de 2,5 mm. Les données ont été transférées au système de planification du traitement, et on a procédé à la délinéation du volume cible prévisionnel et des organes à risque, puis à la dosimétrie prévisionnelle informatisée par tomothérapie.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 4
Figure 4. Simulation avec des moyens de contention thermoformés personnalisés (vue de face).

La dose prescrite était de 30,6 gy en 1,8 gy par fraction : 5 fractions par semaine.

La couverture de dose était bonne (figures 5-7), ainsi :

  • - PTV jambe gauche : D50% : 30,4
  • - D98% : 29 GY
  • - D95%: 29,3GY
  • - D2%: 31,3 GY

Les contraintes aux organes à risque ont été respectées ainsi :

  • - Fémur gauche : Dmax : 29,7GY, Dmoy : 8,9GY, V20GY : 4,2%, V10GY : 20,2%
  • - Os pied G : Dmax : 32GY, Dmoy : 20,6GY, V25GY : 16,5%, V20GY : 48,2% V15GY : 97%, V10GY : 100%
  • - Tibia péroné G : Dmax : 31GY, Dmoy : 15,7 GY, V25GY : 8%, V20GY : 27%, V15GY : 53,4%, V10GY: 75%
  • - Contour externe –PTV: Dmax: 33,1GY, Dmoy: 18,3GY, V25GY: 25,7%, V20GY: 46,4%, V15GY: 62,2%, V10GY: 77%
  • - Bloc jambe D: Dmax: 22GY, Dmoy: 3,9GY, V10GY: 2,5%, V5GY: 19%, 100% reçoit 1,5GY

Au cours du traitement, un contrôle quotidien a été fait par réalisation journalière d’image de repositionnement par méga voltage scanner MVCT, et le patient a été vu une fois par semaine : il a été constaté selon le Common Terminology Criteria for Adverse Events Version 4, une épidermite de grade 2 pour le membre inférieur gauche (au niveau des pieds et de grade 1 pour le reste de la jambe), un œdème de grade 1 stable pour le membre inférieur gauche et de grade 2 pour le membre inférieur droit, et des douleurs de grade 2.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 5
Figure 5. Histogramme dose-volume montrant les objectifs atteints du traitement : D95%, D50% du PTV ainsi que les contraintes des organes à risque.

Le patient a été vu deux mois après la fin du traitement. Il a été constaté une bonne réponse (Figures 8, 9) et il est toujours en bon contrôle locorégional.

Discussion

Plusieurs thérapies locales sont utilisées pour éradiquer les lésions cutanées précoces et confinées dans la maladie de Kaposi, alors qu'une maladie largement diffuse, progressive ou symptomatique nécessite un traitement plus agressif [1].

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 6
Figure 6. Distribution de la dose en color wash coupe transverse qui montre le fort gradient de dose entre le PTV et l’organe à risque.

Il existe une variété d'options thérapeutiques et le choix du traitement dépend de la forme et du stade clinique, ainsi que de la localisation et de la taille de la lésion; Les options comprennent l'excision chirurgicale, l'interféron alpha-2b intra lésionnel, la radiothérapie locale ou étendue et la chimiothérapie [2]. C’est ce qu’on a fait pour notre patient qui a reçu une chimiothérapie à base de Bleomycine, et vu la progression de la maladie on a indiqué la radiothérapie, ainsi la radiothérapie est une modalité de traitement efficace pour le sarcome de Kaposi et elle est associée à une toxicité minimale [2]. Il n'y a pas eu de consensus définitif sur le traitement standard, local ou systémique, pour le sarcome de Kaposi (KS). La radiothérapie peut être un bon choix thérapeutique local, en particulier dans le KS non associé au SIDA (NAKS) pour son comportement indolent [3].

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 7
Figure 7. Distribution de la dose en color wash coupe sagittale montrant le fort gradient de dose entre le PTV et l’organe à risque.

En ce qui concerne la dose, on a prescrit 30,6 gy pour notre patient ce qui correspond à la littérature. Ainsi les doses suivantes se sont avérées suffisantes : 15 Gy pour les lésions orales, 20 Gy pour les lésions impliquant les paupières, les conjonctives et les organes génitaux, 30-40 Gy en doses uniques de 2 Gy pour les lésions cutanées.

Une étude a été menée au département d’oncologie de l’hôpital universitaire national de Taiwan entre 1994 et 2004 et qui a revu les malades ayant un sarcome de Kaposi confirmé histologiquement sans immunodéficience par VIH ou par transplantation d’organe, toutes les lésions concernaient les membres inférieurs. La radiothérapie a été administrée avec une unité de 60Co ou un accélérateur linéaire, le traitement le plus couramment prescrit étant de 3 Gy par fraction jusqu'à une dose totale de 39 Gy. En outre, plusieurs techniques utilisant le bolus ont été adoptées pour améliorer la distribution du rayonnement sur la peau des membres inférieurs.

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 8
Figure 8. Photo du patient prise deux mois après la fin du traitement montrant la disparition des lésions cutanées.

Les résultats ont montré que toutes les lésions KS irradiées ont répondu, avec un taux de réponse complet de 76%. La survie globale et les taux de survie sans progression du groupe à 5 ans étaient respectivement de 85% et 58% [4].

Le traitement du sarcome de Kaposi par tomothérapie : A propos d’un cas Figure 9
Figure 9. Photo prise du patient deux mois après la fin du traitement montrant la persistance d’un lymphoedème.

Une autre étude rétrospective a montré que les schémas de radiothérapie avec une dose de 20 Gy et plus de 2gy par fraction en utilisant des champs d'irradiation locaux étaient efficaces en terme de taux de réponse complète dans la gestion de sarcome de Kaposi classique par rapport à une dose inférieure à 20 gy [5].

Pour le fractionnement une étude a comparé le fractionnement classique de 2 gy par fraction à un hypofractionnement et il a été montré que les deux fractionnements sont utiles dans le control local du sarcome de Kaposi, mais le fractionnement de 2 gy n’a pas été associé à une douleur neuropathique comparé à l’hypofractionnement [6, 7].

Une bonne palliation des symptômes du KS peut être obtenue par radiothérapie, avec plus de 90% de réponse et 70% de rémission complète [8]. Les effets secondaires sont rares et le rayonnement est généralement bien toléré, avec des réactions cutanées minimales - sauf pour les patients présentant des lésions de la muqueuse, où un degré élevé de mucite est souvent observé [8].

Les effets secondaires les plus fréquents étaient une desquamation sèche, l’hyperpigmentation et le lymphoedème des jambes, et c’est ce qu’on a remarqué pour notre patient qui avait un lymphoedème au début mais la radiothérapie l’a accentué, qu’on a traité par le port de bas de contention et qui reste une stratégie majeure dans le traitement de cet effet secondaire [9].

Pour la technique de radiothérapie, la radiothérapie par électrons a été souvent utilisée pour optimiser la distribution de dose en surface surtout pour les localisations cutanées, en raison de la pénétration limitée des faisceaux.

Avec l’avènement des nouvelles techniques, l’arc à modulation volumétrique a été évalué pour le traitement du sarcome de Kaposi cutané des extrémités inférieures avec une couverture cible adéquate et une épargne osseuse élevée par rapport au traitement par électrons et il a été montré que la radiothérapie par arc à modulation volumétrique est extrêmement avantageux dosimétriquement, ce qui pourrait simplifier leur gestion par rapport à l'utilisation plus conventionnelle des électrons, en particulier dans les instituts avec des ressources limitées de personnel et de lourdes charges de travail [10].

La particularité de notre cas c’est qu’on a traité le patient par tomothérapie pour la première fois, chose qui nous a permis une bonne couverture des lésions cutanées, avec une très bonne épargne des organes à risque grâce à un fort gradient de dose et ce sur une longueur assez importante chose qui ne peut pas être assurée par les autres appareils.

Conclusion

La tomothérapie a permis une bonne couverture de dose au niveau des lésions cutanées et bonne épargne des organes à risque, en conséquence une réponse clinique complète avec moins d’effets secondaires.

Déclaration
Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent l’absence de conflit d’intérêt.

Les auteurs déclarent que le patient a autorisé la publication de son cas.

Références
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ISSN : 2334-1009