Cancer de la verge : à propos d’un cas
Josué Dedjinin Goerges Avakoudjo1, Freddy Houéhanou Rodrigue Gnangnon2, Djamal Jacquet3 (malojq at yahoo dot fr) #, Magloire Inès Dodji Yevi3, Gilles Natchagande3, Michel Michaël Agounkpe3, Dansou Gaspard Gbessi2, Fred Dètondji Hodonou3, Jean Sossa3, Prince Pascal Hounnasso3
1 Clinique universitaire d’urologie andrologie CNHU-HKM 1. 2 Clinique universitaire de chirurgie viscérale CNHU-HKM. 3 Clinique universitaire d’urologie andrologie CNHU-HKM
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2358
Date
2017-09-29
Citer comme
Research fr 2017;4:2358
Licence
Résumé

Introduction :Le cancer primitif de la verge est non seulement une pathologie rare en pratique quotidienne en urologie. Ceci expose à une difficulté de prise en charge surtout dans les pays en voie de développement. Observation : Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 55 ans qui a présenté une lésion nécrotique de la verge initialement étiquetée « gangrène de la verge » et chez qui, l’examen histologique avait finalement conclu à un carcinome épidermoïde classé pT4N3M0. Il a bénéficié de 4 cures de chimiothérapie type 5 Fluoro-Uracile-cisplatine avec une nette amélioration de l’état général et une diminution de la taille initiale de la lésion. Conclusion : Le diagnostic du cancer de la verge et la prise en charge des cancers est parfois un véritable défi dans certains pays d’Afrique subsaharienne comme le Bénin. Mais les considérations socio-économiques liées à sa prise en charge peuvent aggraver son pronostic.

English Abstract

Introduction: The primary penile cancer is a rare disease. This leads to difficulties in its management especially in developing countries. Case: We report a case of 55 years-old patient who presented a necrotic lesion initially diagnosed as « gangrene of the penis ». Surprisingly pathological examination identified an epidermoid carcinoma classified pT4N3M0. The patient received four cycles of chemotherapy (5-fluoro-uracil-cisplatin) with a clear improvement of the general status and a decrease in the initial size of the tumor. Conclusion: The diagnosis and the management of this cancer is challenging in countries of sub-saharan Africa like Benin. In addition socio-economic considerations associated with its management may worsen the prognosis.

Introduction

Le cancer primitif du pénis est une pathologie rare en pratique quotidienne en urologie. A l’échelle mondiale, il représente moins de 0,5 % de la pathologie tumorale [1]. Il existe des variations d’incidence entre les différents pays dans le monde avec des taux plus élevés chez les hispaniques, au Brésil et en Ouganda, possiblement du fait de pratiques sexuelles différentes avec un risque plus élevé d’exposition au virus du papillome humain (HPV) [2]. La rareté de ce cancer l’expose à des égarements diagnostics et une difficulté de prise en charge surtout dans les pays en voie de développement. Dans certains pays d’Afrique sub-saharienne, le diagnostic et la prise en charge d’une telle pathologie est un véritable défi. Nous rapportons ici un cas de carcinome épidermoïde localement avancé et métastatique du gland pris en charge au CNHU de Cotonou. Nous mettons l’accent sur les difficultés diagnostiques et thérapeutiques dans notre contexte.

Cancer de la verge : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Lésion ulcéro-bourgennante de la verge étendue au scrotum
Observation

Il s’agissait d’un patient âgé, 55 ans enseignant retraité, reçu aux urgences pour une tuméfaction de la partie distale de la verge rapidement nécrosée prenant presque toute la verge. Dans ses antécédents on retrouve une notion d’amputation traumatique du gland au cours d’une circoncision dans l’enfance. Il n’y a pas de notion d’urétrite à répétition ni de tabagisme

L’examen urogénital avait permis de retrouver, un gland nécrotique sectionné et recouvert par le prépuce, la zone de nécrose prenait la partie distale de la verge sans adénopathies inguinales superficielles.

Cancer de la verge : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Carcinome épidermoïde infiltrant comportant des massifs avec kératinisation (Gx20) (Dr Romulus TAKIN, anatomopathologiste, Troye –France)

Le diagnostic de gangrène de la verge avait été initialement retenu. Une cystostomie de dérivation et une nécrosectomie ont été réalisées en urgence. Les suites opératoires avaient été initialement favorables avec une bonne détersion des lésions. Secondairement, l’évolution a été marquée par l’apparition d’une lésion bourgeonnante péno-scrotale en chou-fleur rapidement extensive avec des adénopathies inguinales suspectes (figure 1). Une biopsie a été réalisée. L’examen histologique était en faveur d’un carcinome épidermoïde moyennement à bien différencié kératinisant (figure2) sans embole vasculaire néoplasique. Le bilan d’extension à distance (scanner thoraco-abdominal et pelvien) mettait en évidence un épaississement irrégulier de la paroi vésicale, de l’urètre postérieur avec infiltration de la graisse péri-vésicale et des adénopathies inguinales bilatérales d’allure secondaire.Il n’existait pas de métastase à distance. La tumeur a été classée pT4 N3 M0. L’indication d’une chimiothérapie adjuvante ou d’une radiothérapie palliative avaient été discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire. Si le second traitement n’est pas disponible au Benin, le premier revient relativement cher. Le patient a été perdu de vue, probablement à cause des difficultés financières, et a été réadmis 8 mois plus tard. L’état général était altéré avec des douleurs atroces non calmées par les antalgiques de pallier IIB. Cliniquement il existait des éléments en faveur de localisations secondaires hépatique. La morphine orale n’était pas disponible au Bénin. L’indication d’une chimiothérapie palliative a été posée. Le patient a bénéficié de 4 cycles de chimiothérapie type 5 Fluoro Uracile -cisplatine avec une nette amélioration de l’état général et une diminution de la taille initiale de la lésion. La tolérance était bonne. Le patient a été à nouveau perdu de vue.

Discussion

En pratique médicale le cancer du pénis pose un problème diagnostic. Les égarements sont à l’origine d’une découverte tardive comme c’est le cas chez notre patient. L’âge de survenue du cancer du pénis est compris entre 60 et 70 ans [2, 3] tel n’était pas le cas chez notre patient. Dans la littérature on a deux formes nosologiques précancéreuses que sont la néoplasie intra-épithéliale (NIE) à HPV induite et la néoplasie intra-épithéliale HPV non induite [4-6]. L’infection par le VPH (VPH- 16 et VPH- 18) aurait un rôle dans 50 % des cas du cancer du pénis [2].

Les autres facteurs favorisants sont : une absence de circoncision, un niveau socio-économique bas, une inflammation chronique liée à une macération, le manque d’hygiène locale (balanoposthite-lichen), les conduites sexuelles à risque (partenaires multiples, premier rapport sexuel précoce), le tabagisme, la photochimiothérapie avec utilisation de sporalène et d’ultraviolet A [2-5].

Le gland et le prépuce sont les sites préférentiels de début du cancer du pénis [3] comme c’est le cas chez notre patient.

Le carcinome épidermoïde (95%) est le type histologique le plus fréquent [2, 4] avec une extension préférentielle vers les ganglions inguinaux [2].

Plusieurs facteurs peuvent expliquer le retard au diagnostic des cancers de verge. Il peut s’agir d’égarement diagnostique lié au polymorphisme clinique de l’affection ; ou alors de la topographie du cancer atteignant le sexe qui reste encore un sujet tabou surtout en Afrique. Hors c’est justement ce diagnostic tardif qui est le principal frein au traitement conservateur, et qui conduit a proposer les traitements radicaux particulièrement mal acceptés en Afrique. En effet le cancer du pénis dans sa forme localisé peut se traiter avec succès par plusieurs méthodes conservatrices [5]. La chirurgie doit au maximum être conservatrice tant que la lésion le permet. Par exemple, une posthectomie (circoncision) peut être proposée pour les lésions limitées au prépuce [2]. Les chirurgies radicales (émasculation ou désinsertion complète des corps caverneux) sont uniquement des gestes de nécessité. En Afrique, ce traitement radical est généralement refusé par les patients du fait du choc psychologique ou pour des raisons cultuelles et ou culturelles. Il en est de même pour les résections partielles. Maddinéni et al. ont retrouvé une dégradation de l’état psychique des patients lors du traitement chirurgical du cancer du pénis [7].

La radiothérapie externe est peu utilisée. Elle peut être indiquée comme traitement palliatif en cas de tumeur localement évoluée ou métastatique. La curiethérapie interstitielle par l’iridium 192 est la technique de choix et la seule utilisée en France [2]. Toutefois, aucun effet curatif de la radiothérapie n’a été démontré en cas d’adénopathie palpée en place [2].

La radiothérapie externe, et encore moins la curiethérapie, n’est pas disponible dans de nombreux pays d’Afrique francophone comme le Bénin. Elle pose un problème d’accessibilité géographique et financière.

Il faut rappeler qu’une circoncision préalable est systématique avant toute curiethérapie ou radiothérapie externe [2].

Le cancer du pénis est une tumeur peu chimio- sensible et jusqu’en 2013 au moins, aucun produit de chimiothérapie n’avait l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication en France [2]. Des protocoles plus récents de type paclitaxel, ifosfamide, cisplatine (TIP) ou paclitaxel, cisplatine et 5- fluorouracil (TPF) ont été proposés mais les résultats même si encourageants restent décevants [2].

Conclusion

Le carcinome du pénis est rare dans les pays développés et est plus fréquent dans les pays en développement. Ce serait le premier cas documenté au Bénin. La prise en a été multidisciplinaire et la chimiothérapie qui a un coût élevé explique la perte de vue du patient. La prise en charge du cancer de la verge peut être efficace et conservatrice lorsqu’il est découvert précocement.

Références
  1. Rando Sous A, Pérez-Utrilla Pérez M, Aguilera Bazan A, Tabernero Gómez A, Cisneros Ledo J, De La Peña Barthel J. A review of penile cancer. Adv Urol. 2009;:415062 pubmed publisher
  2. Sebe P, Ferretti L, Savoie P, Morel-Journel N, Flechon A, Murez T, et al. [CCAFU french national guidelines 2016-2018 on penile cancer]. Prog Urol. 2016;27:S167-S179 pubmed publisher
  3. Micali G, Nasca M, Innocenzi D, Schwartz R. Penile cancer. J Am Acad Dermatol. 2006;54:369-91; quiz 391-4 pubmed
  4. Bigot P, Longvert C. [Penile dermatological lesions: how to identify premalignant lesions?]. Prog Urol. 2011;21:S50-2 pubmed publisher
  5. Renaud-Vilmer C, Cavelier-Balloy B. [Premalignant penile lesions]. Ann Dermatol Venereol. 2010;137:486-92; quiz 485, 493-4 pubmed publisher
  6. Caso J, Rodriguez A, Correa J, Spiess P. Update in the management of penile cancer. Int Braz J Urol. 2009;35:406-15 pubmed
  7. Maddineni S, Lau M, Sangar V. Identifying the needs of penile cancer sufferers: a systematic review of the quality of life, psychosexual and psychosocial literature in penile cancer. BMC Urol. 2009;9:8 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009