Pseudotumeur inflammatoire du rein simulant une tumeur de la voie excrétrice : à propos d’un cas
Abdessamad El Bahri (abdessamadelbahri2011 at gmail dot com) #, Ilyas Adourrouj, Nabil Louardi, Abdellatif Janane, Mohammed Alami, Ahmed Ameur, Mohammed Abbar
Service d’Urologie; Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat. Université Mohammed V Rabat, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2157
Date
2017-02-28
Citer comme
Research fr 2017;4:2157
Licence
Résumé

Introduction : Les pseudotumeurs inflammatoires du rein sont des tumeurs bénignes rares et posent de réels problèmes diagnostiques préopératoires. A travers l’étude d’un cas, les auteurs soulèvent les difficultés diagnostiques de cette affection. Observation : Il s’agissait d’un patient âgé de 50 ans, admis pour des lombalgies gauches associées à une hématurie totale. L’uroscanner a évoqué une tumeur des voies excrétrices. Une néphrourétérectomie gauche a été réalisée. L'analyse histologique avait conclu à une pseudotumeur inflammatoire isolée du rein gauche. Le patient n’a pas eu de récidive avec un recul de 9 mois. Conclusion : Malgré les progrès de l’imagerie médicale, l’aspect radiologique des pseudotumeurs inflammatoires du rein est encore trompeur, prêtant à confusion avec les tumeurs du rein et des voies excrétrices.

English Abstract

Introduction: Inflammatory kidney pseudotumors pose real preoperative diagnostic problems. We report a case of an inflammatory kidney pseudotumor and review the diagnostic and therapeutic features of this disease. Case: A 50-year-old male patient was admitted for left low back pain associated with total hematuria. Uro-CT was in favor of an upper urinary tract carcinoma. A left nephroureterectomy was performed. The pathological analysis revealed an isolated inflammatory kidney pseudotumor. The patient had no recurrence with a 9 months follow-up. Conclusion: Despite advances in medical imaging, the radiological aspect of inflammatory kidney pseudotumors is still confused with kidney and upper urinary tract tumors.

Introduction

Les pseudotumeurs inflammatoires du rein sont rares [1]. Les mécanismes à l’origine de ces lésions bénignes sont obscurs. Elles posent encore de réels problèmes diagnostiques préopératoires avec le carcinome à cellules rénales mais aussi les tumeurs des voies excrétrices supérieures. En effet, malgré les progrès de l’imagerie médicale, les caractéristiques radiologiques restent non spécifiques, d’où le recours souvent inévitable à l’exploration chirurgicale. Nous rapportons une observation de pseudotumeur inflammatoire du rein, considérée en pré-opératoire comme tumeur de la voie excrétrice (TVE).

Pseudotumeur inflammatoire du rein simulant une tumeur de la voie excrétrice : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. TDM abdominale en coupe axiale en contraste spontané : Masse pyélique tissulaire, hétérogène, renfermant des plages spontanément hyperdenses.
Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 50 ans, tabagique chronique pendant 14 ans, sevré il y a 18 ans, hypertendu sous amlodipine (10 mg par jour) avec un antécédent d’hernie inguinale gauche opérée en 2006. Il a été admis au service d’urologie de l’hôpital militaire d’instruction Mohammed V de Rabat pour des lombalgies gauches évoluant depuis 3 mois, associées à une hématurie totale caillotante, évoluant dans un contexte d’altération de l’état général avec notion d’amaigrissement chiffré à 8 Kg en 2 mois. L’examen clinique était sans particularité, en dehors d’une pâleur cutanéo-muqueuse. Sur le plan biologique : la numération-formule-sanguine a mis en évidence une anémie profonde normochrome normocytaire (Hb : 6 g/dl) associée à une hyperleucocytose à prédominance neutrophile (GB : 14,6 M, PN : 84%). La protéine C-Réactive était élevée (70 mg/L), avec une créatininémie à 8 mg/l. L'examen cytobactériologique des urines n’a pas objectivé de bactériurie. Devant ce tableau d’hématurie totale caillotante, une urétro-cystoscopie réalisée après décaillotage, a visualisé un urètre et une vessie sans particularité. Le patient fut transfusé. A l’échographie rénale, il existait une formation rénale polaire supérieure gauche, hypoéchogène, hétérogène, avec un signal vasculaire au Doppler couleur. L’uroscanner a mis en évidence une masse pyélique et calicielle supérieure gauche, hétérogène, légèrement et spontanément hyperdense, se rehaussant assez fortement et de manière inhomogène après injection de produit de contraste iodé (78 UH) évoquant, a priori, une tumeur des voies excrétrices (Figures 1, 2).

Pseudotumeur inflammatoire du rein simulant une tumeur de la voie excrétrice : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. TDM abdominale en coupe axiale passant par le groupe caliciel supérieur après injection de produit de contraste iodé : Mise en évidence d’un rehaussement intense, hétérogène de la masse qui mesure 35 mm de grand diamètre.

Une néphrourétérectomie gauche fut réalisée par abord lombaire rétropéritonéal sur le lit de la 12ème côte. Les suites étaient simples. L'étude histologique de la pièce opératoire avait exclu tout processus néoplasique. Elle avait conclu à une pseudotumeur inflammatoire isolée du rein gauche (Figure 3). Le patient se actuellement bien, sans récidive avec un recul de 9 mois.

Pseudotumeur inflammatoire du rein simulant une tumeur de la voie excrétrice : à propos d’un cas Figure 3
Figure 3. A droite: prolifération de celles fusiformes associée à un infiltrat lymphoplasmocytaire, des remaniements fibreux et hémorragiques (HEx10). A gauche: rein adjacent à la tumeur.
Discussion

Les pseudotumeurs inflammatoires sont des tumeurs bénignes rares. Elles peuvent toucher les tissus des voies respiratoires, des organes digestifs, de l'orbite, les tissus mous, la rate et les ganglions lymphatiques mais elles restent exceptionnelles au niveau du rein [1]. Des pseudotumeurs inflammatoires du rein ont été décrites souvent avec une localisation parenchymateuse [2]. Dans notre observation, la masse siégeait dans le pyélon. Les mécanismes à l’origine de ces formations sont obscurs [3]. Le rôle d’une infection locale (en particulier au niveau pulmonaire) ou d’un traumatisme (par exemple, au niveau musculaire) a été évoqué [4]. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, aucun événement antérieur ne peut être mis en rapport avec le diagnostic [2]. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : altération de l’état général, asthénie, perte de poids, douleur localisée au site de la pseudotumeur, fièvre prolongée sont possibles. Les phénomènes compressifs sont essentiellement notés dans les localisations digestives [5]. L’échographie et la tomodensitométrie peuvent mettre en évidence une lésion généralement arrondie, de limites plus ou moins nettes, non calcifiée, non rehaussée par l’injection de produit de contraste (lors de la tomodensitométrie) du fait du faible contingent vasculaire [2]. Cependant, l'aspect radiologique est souvent trompeur orientant vers une tumeur maligne [6, 7]. L’imagerie peut objectiver des images de kystes atypiques [8]. Selon les auteurs, le cancer kystique du rein représente 15% de l'ensemble des cancers du rein [8] et 17,5% de l'ensemble des affections kystiques du rein [9]. L'échographie montre une masse rénale unique, hypoéchogène et hétérogène, parfois nécrosée au centre. L'urographie intraveineuse oriente vers un syndrome tumoral et permet d'évaluer la valeur fonctionnelle du rein controlatéral [10]. L’uroscaner précise la densité et les rapports de la lésion avec les autres éléments du parenchyme rénal [10]. L'IRM permet une meilleure analyse tissulaire et vasculaire de la masse [10, 11]. Le diagnostic per-opératoire avec examen anatomopathologique extemporané est parfois très difficile en cas de tumeur kystique [12]. Dans le cas de notre patient, malheureusement une urétéroscopie avant le geste aurait pu nous éviter une chirurgie radicale dans ce genre de situations, surtout que la biopsie n'a pas sa place en routine pour les tumeurs de la voie excrétrice. Ainsi, l'étude anatomo-pathologique de la pièce de néphrectomie (partielle ou totale) permet de poser le diagnostic de certitude [13, 14]. Dans 3 cas de pseudotumeurs rénales opérées pour cancer, l'origine inflammatoire a été redressée par l'étude histo-pathologique de la pièce de néphrectomie [15]. Sur le plan histologique, les pseudotumeurs inflammatoires se présentent comme une infiltration dense et diffuse de cellules inflammatoires à prédominance plasmocytaire et au sein d’un tissu fibreux. L’étude immunohistochimique a un grand intérêt diagnostique. Le moyen diagnostique et le traitement restent l’exérèse chirurgicale de la pseudotumeur inflammatoire. L’évolution est alors excellente et les récidives sont rares [16]. La corticothérapie reste un choix possible, sur la foi de cas isolés, mais cette option thérapeutique est d’une efficacité non reconnue et grevée de nombreuses récidives [2]. La nature du geste doit tenir en compte la valeur fonctionnelle des deux reins. Ainsi, la chirurgie conservatrice est privilégiée en cas de tumeurs bilatérales ou se développant sur rein unique (anatomique ou fonctionnel) [6].

Conclusion

Les pseudotumeurs inflammatoires sont rares, les manifestations cliniques et radiologiques peuvent être celles d’une tumeur maligne. Le diagnostic de certitude est fondé sur l’exérèse chirurgicale qui permet une étude histologique. Ces tumeurs rares, inattendues en pré-opératoire, font poser la question de la pratique de l’urétéroscopie quasi-systématiquement avant tout traitement radical.

Déclaration
Contribution des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la rédaction de ce manuscrit ont lu et approuvé la version finale.

Références
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ISSN : 2334-1009