Hémiparésie révélatrice d’un purpura thrombotique thrombocytopénique chez une fille de 3 ans
M Kmari (kmarimohamed at yahoo dot fr) #, FZ Chafi, N Dini, R Abilkassem, A Agadr
Service de pédiatrie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V-Rabat, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1553
Date
2016-08-07
Citer comme
Research fr 2016;3:1553
Licence
Résumé

Nous rapportons l’observation d’une fille âgée de 3 ans qui a présenté une hémiparésie gauche, une anémie hémolytique avec présence de schizocytes sur le frottis sanguin, une thrombopénie, une hyper bilirubinémie, et un taux normal de fraction C3 du complément. Le dosage de l’activité de la protéase ADAMTS13 a montré un déficit sévère avec un taux à 1 % avec présence d’un auto-anticorps anti-ADAMTS 13 signant le diagnostic de purpura thrombotique thrombocytopénique acquis, traité avec succès par des perfusions d’immunoglobulines polyvalentes associées à des échanges plasmatique. Le suivi implique une évaluation régulière des paramètres biologiques.

English Abstract

We report the case of a 3 years old girl who presented left hemiparesis, hemolytic anemia, thrombocytopenia, hyperbilirubinemia, and normal levels of complement C3 fraction. The assay of the activity of the protease ADAMTS13 showed a severe deficit with a rate of 1% and an inhibitor to ADAMTS13 signaling the diagnosis of acquired thrombotic thrombocytopenic purpura. She was successfully treated by injections of immunoglobulins and plasma exchange. Follow-up requires regular standard laboratory tests.

Introduction

Le purpura thrombotique thrombocytopénique (ou PTT), est une pathologie grave qui engage le pronostic vital. Il est dû à un défaut de clivage protéolytique du facteur de vonWillebrand (vWF) en raison d’une déficience-héréditaire ou acquise de l’enzyme ADAMTS13 «A Disintegrin And Metallo protease with Thrombo Spondin type 1 motifs, 13e membre». Son diagnostic repose sur l’association d’une anémie hémolytique mécanique, une thrombopénie périphérique de consommation, la fièvre, les manifestations neurologiques et rénales et l’identification d’auto anticorps neutralisants responsable d’un effondrement de l’activité ADAMTS 13. Nous rapportons un cas de PTT acquis révélé par une hémiparésie chez une fille de 3 ans.

Observation

Enfant de sexe féminin, âgée de 3 ans, 1ère d’une fratrie de 2, était hospitalisée pour prise en charge d’une hémiparésie associée à un purpura. Ses parents sont consanguins au 1er degré. Il n’y a pas d’antécédents de prise médicamenteuse ni de toxique ni de séjour à l’étranger. L’histoire de la maladie remonte à un mois avant son admission par l’installation de taches ecchymotiques diffuses, des épisodes d’épistaxis spontanée de faible abondance, et d’un déficit moteur de l’hémicorps gauche. L’examen clinique trouvait un enfant conscient, fébrile, eupnéique, pâle avec des plages d’ecchymoses cutanées, disséminées au niveau des membres supérieurs et inférieurs, de l’abdomen, du thorax. Il n’y a pas de syndrome hémorragique extériorisé. L’examen cardio-pulmonaire est sans particularité, l’abdomen est souple, indolore sans hépato splénomégalie palpable, les aires ganglionnaires sont libres. L’examen neurologique trouve une hémiparésie gauche sans déficit sensitif ni atteinte des paires crâniennes.

Hémiparésie révélatrice d’un purpura thrombotique thrombocytopénique chez une fille de 3 ans Figure 1
Figure 1. IRM cérébrale : incidence coronale : montrant un hyper signal T2 de la substance blanche hémisphérique droite, avec lacunes vasculaires multiples, et des anomalies de signal rondes à type d’hyper signal T2 de la substance blanche du centre semi ovale gauche, de la tête du noyau caudé et lenticulaire gauche.

Sur le plan biologique, il existait une anémie normochrome normocytaire régénérative à 5,6 g/dl, avec présence de schizocytes sur le frottis sanguin et absence d’agrégats plaquettaires associé a une thrombopénie (taux de plaquettes à 16000 /mm3). Le médulogramme a montré une moelle osseuse réactionnelle avec hyperplasie de la lignée érythrocytaire. Le bilan de la crase sanguine était normal. Il existait une augmentation de la bilirubine totale à 38 mg/l et des LDH à 2484 UI/l avec un taux effondré d’haptoglobine à 0,07 g/l, Le test de Coombs direct était négatif, la créatininémie à 53,10μmol/l et un taux élevé d’urée à 11,4 mmol/l. Une CRP normale. Le taux de fractions C3 du complément était normal. La ferritinémie et fer sérique étaient normaux. Les sérologies virales HIV, HVC, HVB, CMV, EBV et Parvovirus B19 étaient négatives. La recherche des anticorps antinucléaire et anti DNA était négatif. La radiographie du thorax et l’échographie abdominale étaient sans anomalies. L’IRM cérébrale a mis en évidence un hyper signal T2 de la substance blanche hémisphérique droite, avec lacunes vasculaires multiples, et des anomalies de signal rondes à type d’hyper signal T2 de la substance blanche du centre semi ovale gauche, de la tête du noyau caudé et lenticulaire gauche (figure 1).

Le diagnostic de PTT était évoqué et confirmé par la diminution de l’activité sérique ADAMTS 13 avec un taux de 1 % (valeur normale : 50 à 150) et la présence d’un auto-anticorps anti-ADAMTS 13 suggérant une origine acquise. Mais la recherche d’un PTT secondaire se révéla négative.

L’enfant est mis sous perfusions d’immunoglobulines polyvalentes à raison de 1 g/kg/j pendant 2 jours, un programme d’échange plasmatique et des séances de rééducations fonctionnelles.

L’évolution après 5 jours de traitement, était marquée par une disparition de la fièvre et du syndrome hémorragique, l’hémogramme a montré un nombre de plaquette de 323000/mm3, des leucocytes à 6500 /mm3 et un taux d’hémoglobine à 13g/dl.

Discussion

Le PTT a été décrit pour la première fois en 1924 par Moschcowitz comme pathologie systémique rapidement mortelle. Histopathologiquement, iL se caractérise par une thrombose hyaline des artérioles et des capillaires terminales dans plusieurs organes [1]. Ce n’est que depuis 1966 qu’elle est reconnue comme entité clinique à travers cinq signes cardinaux : anémie hémolytique avec schizocytes sur le frottis sanguin, thrombocytopénie de consommation, troubles neurologiques, troubles rénaux et fièvre [2].

Le PTT est une maladie liée à un déficit en une enzyme plasmatique appartenant à la famille des protéines ADAMTS. ADAMTS13 est capable de dégrader le facteur Von Willebrand qui peut se lier aux plaquettes pour former des petits caillots. Ainsi, en l’absence d’ADAMTS13, le vWF s’accumule et se lie de manière excessive aux plaquettes, formant des caillots de plaquettes au niveau des petits vaisseaux. L’obstruction de ces vaisseaux entraîne un défaut d’oxygénation des organes et leur souffrance, à l’origine des manifestations cliniques. L’anémie est mécanique. La thrombopénie résulte de leur consommation lors de la formation des caillots au sein des capillaires [3].

On distingue deux formes de PTT.

La forme héréditaire par mutations du gène d’ADAMS13 (dans 5à10%) codant pour la protéase situé sur le chromosome 9 et comportant 29 exons [4, 5], (près de 100 mutations génétiques ont été jusqu’alors rapportées [3] ), la transmission de la maladie est autosomique récessive et la rechute de PTT est fréquente. Elle est associée à une activité ADAMS basse et absence d’auto-anticorps [6].

La forme acquise liée à la destruction de l’ADAMTS13 par des auto-anticorps dirigés contre la protéine (dans 90 à 95% des cas). Elle peut être idiopathique ou secondaire à une maladie systémique, une prise médicamenteuse, une intoxication alimentaire, une transplantation de cellule souche et une infection. La mise en évidence d’une activité ADAMS13 effondrée associée à un anticorps neutralisant permet de confirmer le caractère acquis du PTT [6, 7]. Dans ce cas, la rechute est plus rare.

Le diagnostic de PTT avec atteinte neurologique est retenu chez notre patiente devant l’association de purpura thrombopénique, d’anémie normochrome régénérative dont l’origine est une hémolyse mécanique (schizocytes, hyperbilirubinémie, LDH augmenté, baisse de l’haptoglobine) et non immunologique (test de coombs direct négatif) et le déficit neurologique, la crase sanguine est normale. La diminution de l’activité sérique ADAMTS 13 et la présence d’un auto-anticorps anti-ADAMTS 13 suggère une origine acquise du PTT.

Les troubles neurologiques représentent un élément diagnostique fondamental du PTT [8]. Les symptômes sont typiquement transitoires, fluctuants et complètement réversibles sous traitement, témoignant de la formation et de la désagrégation des microthrombi dans la microcirculation cérébrale. Les signes sont polymorphes (état confusionnel, céphalées, troubles du caractère, parésies, aphasie, convulsions, coma, paresthésies).

Les explorations neuroradiologiques peuvent révéler des lésions d’ischémies et d’hémorragies liées à la microangiopathie thrombotique et à l’œdème cérébral [9-11].

La mise en jeu du pronostic vitale impose un diagnostic rapide et une prise en charge urgente par les échanges plasmatiques qui apportent l’enzyme déficiente et épurent le plasma du patient de ses anticorps inhibiteurs. D’autres thérapeutiques visant à diminuer la synthèse d’anticorps comme les corticoïdes, immunoglobuline ou le rituximab peuvent être discutés.

Le PTT est réfractaire dans 20% des cas, défini par une absence d’amélioration du chiffre de plaquettes après 5 jours de traitement. Le PTT peut rechuter dans 30% des cas [3], la rechute est définie par une réapparition des signes cliniques et biologiques au-delà de 30 jours après la disparition des signes cliniques et la normalisation du taux de plaquettes.

Conclusion

Le PTT est une maladie rare avec une mortalité élevée lorsqu’elle n’est pas traitée.

Un déficit sévère en ADAMTS13 est pathognomonique d’un PTT. Il est acquis devant la présence de d’anticorps anti-ADAMTS13. Une fois le diagnostic posé à l’aide d’arguments cliniques et biologiques, un suivi régulier de ces patients s’impose compte tenu des risques de récidive.

Déclaration d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article

Figure 1 : IRM cérébrale : incidence coronale : montrant un hyper signal T2 de la substance blanche hémisphérique droite, avec lacunes vasculaires multiples, et des anomalies de signal rondes à type d’hyper signal T2 de la substance blanche du centre semi ovale gauche, de la tête du noyau caudé et lenticulaire gauche.

Références
  1. Moschcowitz E. Hyaline thrombosis of the terminal arterioles and capillaries: A hitherto undescribed disease. Proc N Y Pathol Soc 1924;24:21-24.
  2. Amorosi EL, Ultmann JE. Thrombotic thrombocytopenic purpura : Report of 16 cases and review of the literature. Medicine (Baltimore) 1966;45:139-59.
  3. Coppo P, Veyradier A. Microangiopathies thrombotiques : physiopathologie, diagnostic et traitement. Reanimation 2005;14: 594–603.
  4. Levy G, Nichols W, Lian E, Foroud T, McClintick J, McGee B, et al. Mutations in a member of the ADAMTS gene family cause thrombotic thrombocytopenic purpura. Nature. 2001;413:488-94 pubmed
  5. Plaimauer B, Zimmermann K, Völkel D, Antoine G, Kerschbaumer R, Jenab P, et al. Cloning, expression, and functional characterization of the von Willebrand factor-cleaving protease (ADAMTS13). Blood. 2002;100:3626-32 pubmed
  6. Marcel Adler, Johanna A. Kremer Hovinga, Bernhard Lämmle. Le purpura thrombotique thrombocytopénique – un diagnostic méconnu ;Rev Med SuisseN° 452, 2014;2280-2284.
  7. Curtillet C, Poullin P, Doré E, Fossat C, Lefevre P, Michel G. Purpura thrombotique thrombocytopénique acquis auto-immun chez l’enfant : à propos d’1 cas. Arch Pediatr. 2006 Dec; 13(12):1521-4.
  8. Ridolfi R, Bell W. Thrombotic thrombocytopenic purpura. Report of 25 cases and review of the literature. Medicine (Baltimore). 1981;60:413-28 pubmed
  9. Bhat R, Wani Z, Baasit S, Khan I. Clinical course, laboratory parameters and outcome of TTP pediatric patients presenting with posterior reversible encephalopathy syndrome. Ren Fail. 2015;37:974-9 pubmed publisher
  10. Mouraux A, Gille M, Piéret F, Declercq I. Purpura thrombotique thrombocytopénique fulminant au décours d’un traitement par ciprofloxacine. Rev Neurol 2002;158:1115–7.
  11. Soltes L, Schmalfuss I, Bhatti M. Cortical blindness due to reversible posterior leukoencephalopathy syndrome in a patient with thrombotic thrombocytopenic purpura and preeclampsia. Arch Ophthalmol. 2004;122:1885-7 pubmed
ISSN : 2334-1009