Carcinome des tubes collecteurs de Bellini : à propos d’un cas et revue de la littérature
Soufiane Baggar (baggar-soufiane at hotmail dot com) #, Meryem Azegrar, Rajae Kanab, Fatima Zahra El M’rabet, Samia Arifi, Nawfel Mellas
Service d’oncologie médicale CHU Hassan II Fès – Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1555
Date
2016-08-07
Citer comme
Research fr 2016;3:1555
Licence
Résumé

Le carcinome des tubes collecteurs de Bellini (CB) est une forme rare des tumeurs malignes du rein, de pronostic généralement défavorable en raison d'un diagnostic tardif, souvent au stade métastatique d'emblée. Le diagnostic repose sur l'examen anatomo-pathologique de la pièce de néphrectomie avec étude immuno-histochimique. Nous rapportons le cas clinique d’un patient âgé de 34 ans, ayant eu un carcinome des tubes collecteurs de Bellini, d’emblée métastatique. Notre observation de CB est particulière car elle touche un sujet jeune et s'accompagne d'un thrombus néoplasique de la veine cave inférieure. Nous avons opté pour une chimiothérapie de type cisplatine-Gemcitabine, compte tenu de l'origine embryologique commune des tubes collecteurs et de la voie excrétrice.

English Abstract

Collecting duct carcinoma of Bellini (CB) is a rare malignant tumor of the kidney, with a generally unfavorable prognosis because of late diagnosis, often at the stage of metastases. The diagnosis is based on pathological examination of the nephrectomy specimen with immunohistochemical study. We report the case of a 34 years old patient who presented a metastatic collecting duct Carcinoma of Bellini with an inferior vena cava tumor thrombus. He was treated by Cisplatin-Gemcitabine. This combination was indicated given the common embryonic origin between collecting duct and urinary tract.

Introduction

Le carcinome des tubes collecteurs de Bellini (CB) est une tumeur rénale rare. Sa fréquence est estimée entre 0,4 et 1,8 % des tumeurs malignes du rein [1-3]. Cette entité, évoquée pour la première fois en 1976 par Mancilla-Jimenez [4], a été formellement acceptée par l'OMS en 1981. Une observation récente nous a permis de revoir la littérature concernant cette entité rarissime.

Carcinome des tubes collecteurs de Bellini : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Uroscanner après injection du produit de contraste montrant une masse médio-rénale gauche
Observation

Un homme âgé de 34 ans a été adressé en décembre 2014 pour bilan d'une masse lombaire gauche échographique. Ce patient non alcoolo-tabagique, sans antécédent particulier, a présenté 5 mois auparavant des douleurs lombaires intermittentes d'intensité modérée, évoluant dans un contexte d'amaigrissement non chiffré et une altération de l’état général. L'examen clinique a retrouvé une masse de l'hypochondre et de la fosse lombaire gauches avec contact lombaire. Le bilan biologique (NFS, ionogramme sanguin, bilan hépatique, fonction rénale) était normal, l’uroscanner révélant une masse médio-rénale gauche (figure 1).

La néphrectomie totale élargie gauche avec surrénalectomie, a été réalisée par lombotomie extra-pleurale le 6 janvier 2015. Les suites ont été simples avec sortie au 8ème jour post-opératoire.

Carcinome des tubes collecteurs de Bellini : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. Cellules carcinomateuses des tubes collecteurs réalisant un aspect en clou de tapissier (×200).

L’examen morphologique a retrouvé une prolifération tumorale faite de structures tubulaires irrégulières, disposées dans un stroma fibreux et peu inflammatoire, cette prolifération tumorale se situe très préférentiellement dans la partie profonde du parenchyme rénal. Les atypies cyto-nucléaires sont modérées et les cellules tumorales se disposent parfois en réalisant un aspect en «clou de tapissier» (figure2).

A l’étude immunohistochimique, les cellules tumorales expriment de façon nette et diffuse la cytokératine, elles n’expriment ni la CK7, ni la desmine ni l’EMA ni le CD10 ni la PS100. Ainsi le diagnostic retenu est celui de carcinome des canaux collecteurs.

Le bilan d’extension scannographique avait objectivé un nodule tissulaire rétro péritonéale situé au niveau de la loge de néphrectomie gauche mesurant 20 mm, un thrombus endoluminal de la veine cave inférieure mesurant 20mm de diamètre et étendu sur 40 mm de hauteur, une ascite de faible abondance ainsi qu’un nodule parenchymateux pulmonaire du lobe inférieur droit de 15 mm associé à un discret épanchement pleural liquidien homolatéral.

Il s'agissait donc d'un carcinome des tubes collecteurs de Bellini, de stade IV, de grade 3 de Fuhrman.

Une chimiothérapie systémique par cisplatine-Gemcitabine (6 cycles) n'a pas permis la stabilisation du processus tumoral. Un nouveau traitement par taxol hebdomadaire a été mis en route, et l’évolution étaient marquée par l’installation d’un état de choc septique et d’une défaillance multiviscérale 8 semaines plus tard, entraînant le décès du patient.

Discussion

Le diagnostic de CB est anatomopathologique. Macroscopiquement, le CB prend naissance au niveau de la médullaire, dans les pyramides de Malpighi [2]. La tumeur est ferme, mal limitée, gris brun à la coupe, parfois associée à des zones de remaniements hémorragiques et des nodules satellites [5]. Sa topographie médullaire doit retenir l'attention à la première analyse [6]. Sa taille est en moyenne de 5 à 6 cm [2, 3].

Microscopiquement, cette tumeur épithéliale possède une architecture associant des structures papillaires, tubulaires ou microkystiques [5]. La présence d'un contingent pseudo-sarcomateux est possible [7, 8].

L'extension du CB à la graisse péri-rénale est fréquente (50%).

L'étude immunohistochimique est d'une aide au diagnostic. Elle peut montrer une positivité des cellules tumorales vis-à-vis des cytokératines de haut poids moléculaire, de la Vimentine et des marqueurs vasculaires. Ce profil immunohistochimique particulier permettrait, selon RUMPELT, de faciliter le diagnostic différentiel avec les carcinomes urothéliaux et les autres carcinomes à cellules rénales [3]. Ces constatations méritent d'être validées sur de plus grandes séries [9], les aspects macroscopiques, architecturaux et cytologiques demeurant cependant les critères essentiels au diagnostic [5]. La cytogénétique reste cependant une voie de recherche à développer dans ce type de tumeurs rares.

Le traitement du CB repose sur la néphrectomie totale élargie. YASUNAGA rapporte cependant une néphrectomie partielle pour un CB classé pT2 N0 M0, sans récidive après 12 mois de suivi [10].

L'évolution du CB est dans la grande majorité des cas défavorable, en rapport avec une découverte tardive, souvent au stade métastatique. Sur 6 observations, FLEMMING rapporte 4 décès par métastases dans l'année suivant la néphrectomie et 2 survies sans récidive à 24 et 36 mois [2]. KENNEDY note une mortalité identique à 2 ans [11].

Sur une série rétrospective de 12 CB traités par protocole MVAC ou Interleukine-Interféron, Dimopoulos retrouve une survie moyenne de 22 mois, avec un taux de réponse faible [12]. La chimiothérapie ne semble pas modifier globalement l'évolution et il n'existe actuellement pas de consensus sur les protocoles thérapeutiques [8, 13].

La première étude prospective évaluant l’association de cisplatine et de gemcitabine [14], et portant sur 23 cas de carcinomes de Bellini métastatiques, a montré un taux de réponse de 26% avec une médiane de SSP de 7,1 mois, et une médiane de survie de 10,5 mois.

Notre observation de CB est particulière car elle touche un sujet jeune et s'accompagne d'un thrombus néoplasique de la veine cave inférieure. Nous avons opté pour une chimiothérapie type cisplatine-Gemcitabine compte tenu de l'origine embryologique commune des tubes collecteurs et de la voie excrétrice.

Conclusion

Le CB est une tumeur rénale rare. Sa découverte est souvent tardive, au stade métastatique. Son diagnostic repose sur l'examen anatomopathologique de la pièce de néphrectomie avec étude immunohistochimique. L'apport de la cytogénétique doit être évalué. La chimiothérapie ne semble pas modifier son évolution, souvent défavorable. L'amélioration du pronostic passe par une découverte et une prise en charge thérapeutique plus précoces.

Déclaration
Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucuns conflits d’intérêts.

Contribution des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la rédaction de ce manuscrit ont lu et approuvé la version finale.

Références
  1. Aizawa S, Kikuchi Y, Suzuki M, Furusato M. Renal cell carcinoma of lower nephron origin. Acta Pathol Jpn. 1987;37:567-74 pubmed
  2. Fleming S, Lewi H. Collecting duct carcinoma of the kidney. Histopathology. 1986;10:1131-41 pubmed
  3. Rumpelt H, Storkel S, Moll R, Scharfe T, Thoenes W. Bellini duct carcinoma: further evidence for this rare variant of renal cell carcinoma. Histopathology. 1991;18:115-22 pubmed
  4. Mancilla-Jimenez R, Stanley R, Blath R. Papillary renal cell carcinoma: a clinical, radiologic, and pathologic study of 34 cases. Cancer. 1976;38:2469-80 pubmed
  5. Fondimare A., Bertrand G., Lagadec D. Carcinome des tubes collecteurs rénaux. Arch. Anat. Cytol. Path., 1992, 6 : 281-283.
  6. Marroncle M., Dore B., Aubert J. Tumeur des tubes collecteurs de Bellini. A propos d'un cas. Prog. Urol., 1995, 5 : 265-269.
  7. Baer S, Ro J, Ordonez N, Maiese R, Loose J, Grignon D, et al. Sarcomatoid collecting duct carcinoma: a clinicopathologic and immunohistochemical study of five cases. Hum Pathol. 1993;24:1017-22 pubmed
  8. Hai M, Diaz-Perez R. Atypical carcinoma of kidney originating from collecting duct epithelium. Urology. 1982;19:89-92 pubmed
  9. Koikawa Y, Sakamoto N, Naito S, Tanaka M, Ueda T, Kumazawa J. Bellini duct carcinoma of the kidney. Eur Urol. 1992;22:171-3 pubmed
  10. Yasunaga Y, Nishimura K, Takatera H, Fujioka H, Tsujimoto M. [Bellini duct carcinoma treated with partial nephrectomy: a case report]. Hinyokika Kiyo. 1994;40:1103-7 pubmed
  11. Kuroda N. Collecting duct carcinoma of the kidney. Int J Urol. 2002;9:715; author reply 716 pubmed
  12. Dimopoulos M, Logothetis C, Markowitz A, Sella A, Amato R, Ro J. Collecting duct carcinoma of the kidney. Br J Urol. 1993;71:388-91 pubmed
  13. Yomo S, Tada T, Hirayama S, Tachibana N, Otani M, Tanaka Y, et al. A case report and review of the literature. J Neurooncol. 2007;81:209-16 pubmed
  14. Oudard S, Banu E, Vieillefond A, Fournier L, Priou F, Medioni J, et al. Prospective multicenter phase II study of gemcitabine plus platinum salt for metastatic collecting duct carcinoma: results of a GETUG (Groupe d'Etudes des Tumeurs Uro-Génitales) study. J Urol. 2007;177:1698-702 pubmed
ISSN : 2334-1009