Exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire dans la maladie de Von Recklinghausen
I Ait belaid, A Nadir, S Alj, M Ouali Idrissi, N Cherif idrissi el ganouni
Service de radiologie, CHU Mohammed VI Marrakech-Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1617
Date
2016-09-10
Citer comme
Research fr 2016;3:1617
Licence
Résumé

Les manifestations ophtalmologiques au cours de la maladie de Von Recklinghausen sont rares. Seulement quelques cas ont été rapportés dans la littérature. Nous rapportons un cas d’exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire au cours de la maladie de Von Recklinghausen.

English Abstract

The ocular manifestations of Von Recklinghausen disease are scarce. Only few cases have been reported in the literature. We report in this article a case of Von Recklinghausen’s disease with spheno-orbital agenesis revealed by pulsating exophtalmos.

Introduction

L’exophtalmie pulsatile par atteinte sphénoïdale est très rarement décrite dans la littérature, mais toujours dans le cadre de la neurofibromatose de type I (NF1) et s’associe souvent à un névrome plexiforme de la paupière. Elle constitue une urgence fonctionnelle qui peut être révélatrice de la NF1. Le diagnostic repose sur l’imagerie, notamment sur le scanner qui permet de faire le bilan des anomalies osseuses et l’IRM qui permet d’affiner le diagnostic et d’éliminer les autres diagnostics différentiels comme la fistule carotido-caverneuse.

Nous rapportons le cas d’une agénésie sphéno-orbitaire responsable d’une exophtalmie pulsatile unilatérale chez un homme atteint de la maladie de Von Recklinghausen.

Exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire dans la maladie de Von Recklinghausen Figure 1
Figure 1. Coupe axiale en séquence T1 sans injection du Gadolinium : Masse tumorale centrée sur la paupière supérieur gauche, en hypo signal T1, englobant le globe oculaire et s’étend du cantus interne vers l’externe infiltrant la graisse extra-conique.
Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 40 ans, connu atteint d’une neurofibromatose de type 1, hospitalisé au service de chirurgie maxillo-faciale pour prise en charge d’un névrome plexiforme de la paupière supérieure gauche. Au cours de son hospitalisation, il a présenté une exophtalmie pulsatile gauche. Une IRM orbito- cérébrale fut réalisée en urgence à la recherche notamment d’une fistule carotido-caverneuse. Des séquences pondérées en T1, T2, FIESTA et T1 fat sat avec et sans injection de produit de contraste dans les trois plans avec une angio-IRM artérielle furent réalisées. Elles ont objectivé une masse tumorale centrée sur la paupière supérieure gauche en hyposignal T1, hypersignal T2, rehaussée de façon intense après injection de produit de contraste, englobant le globe oculaire, s’étendant du cantus interne vers l’externe et infiltrant la graisse extra-conique, les muscles droit supérieur, droit externe et grand oblique (figure 1). Il s’y associait un effondrement de la partie postéro-supérieure du toit de l’orbite ainsi que la partie gauche du sinus sphénoïdale avec ptose du parenchyme frontal et des espaces sous-arachnoïdiens (figure 2). Il existait également une déhiscence de la grande aile du sphénoïde gauche avec hernie du parenchyme temporal et du LCR dans l’orbite (figures 3, 4). Les sinus caverneux étaient sans anomalie. Il n’ a pas été noté des signes en faveur d’une fistule carotido-caverneuse.

Exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire dans la maladie de Von Recklinghausen Figure 2
Figure 2. Coupe axiale en séquence T1 avec injection du Gadolinium : Masse tumorale centrée sur la paupière supérieur gauche, en hypo signal T1, rehaussée de façon intense après injection de produit de contraste, englobant le globe oculaire et s’étend du cantus interne vers l’externe infiltrant la graisse extra-conique.
Discussion

L’exophtalmie pulsatile est une protrusion globulaire résultant souvent d’une pathologie vasculaire type fistule carotido-caverneuse, rarement retrouvée dans le cadre de neurofibromatose de type1 ou maladie de Recklinghausen [1].

Exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire dans la maladie de Von Recklinghausen Figure 3
Figure 3. Coupe coronale en séquence T1 avec injection : Effondrement de la partie postéro-supérieur du toit de l’orbite ainsi que la partie gauche du sinus sphénoïdale avec ptose du parenchyme frontal et les espaces sous arachnoïdiens

La maladie de Recklinghausen est la plus fréquente des phacomatoses, caractérisée par la présence des neurofibromes qui sont des tumeurs bénignes et hétérogènes de la gaine des nerfs périphériques disséminées dans différents territoires (peau, tissus cellulaires sous-cutanés, profond). Les lésions céphaliques représentent 3 à 7% des atteintes au cours de la neurofibromatose de Von Recklinghausen [2].

Exophtalmie pulsatile révélatrice d'une agénésie sphéno-orbitaire dans la maladie de Von Recklinghausen Figure 4
Figure 4. Coupe axiale en séquence fiesta, Déhiscence de la grande aile du sphénoïde gauche avec hernie du parenchyme temporal et du LCR dans l’orbite.

La région orbito-palpébrale est le siège de prédilection de l’atteinte céphalique au cours de la NF1, caractérisée par des neurofibromes de type névrome plexiforme de la paupière supérieure qui sont pathognomoniques de la NF1. Il est associé à d'autres manifestations orbito-faciales dont les plus fréquentes sont représentées par l’hypertrophie de l'hémiface homolatérale et la dysplasie sphéno-orbitaire [3]. Cette dernière réalise un amincissement ou une déhiscence totale des éléments constitutifs du sphénoïde à l’origine d’une déformation facio-orbitaire avec élargissement de l’orbite, de la fissure orbitaire supérieure et de la fosse temporale, responsable d’une communication entre le parenchyme fronto-temporal et le fond de l’orbite réalisant une hernie méningo-encéphalique. Cliniquement, il associe une plagiocéphalie avec une exophtalmie pulsatile qui reste rare, due à l’expansion cérebro-méningée dans la partie supérieure de l’orbite [4]. La dysplasie de la grande aile sphénoïdale est associée à un névrome plexiforme dans 50 à 100% des cas, ce qui explique l’aggravation progressive de la dysplasie avec l’âge [5]. Sur le plan radiologique, la radiographie standard constitue une aide précieuse pour la détection des anomalies osseuses au cours de l’agénésie sphéno-orbitaire, objectivant l’absence de la grande aile du sphénoïde, avec agrandissement de l’orbite et élévation de la petite aile du sphénoïde et du toit de l’orbite [6]. Ces lésions osseuses sont mieux analysées à la TDM qui représente le principal moyen d’imagerie pour la dysplasie sphéno-orbitaire, objectivant une dysplasie partielle ou totale ou un simple amincissement de la grande aile du sphénoïde [7].

L’IRM permet de mieux étudier les tumeurs nerveuses notamment le neurofibrome plexiforme, qui parait en hyposignal relatif par rapport au muscle en T1, en hypersignal en T2 si la lésion est volumineuse, un hypo signal central réalisant un aspect en cocarde caractéristique, dont le rehaussement est variable : central, diffus, périphérique, ou en cible [8]. Le traitement chirurgical de la dysplasie sphéno-orbitaire reste réservé pour les cas compliqués d’une hernie meningo-encéphalique ayant entrainé une exophtalmie importante ou une baisse de l’acuité visuelle par compression du nerf optique. Cependant, Morax et al. proposent une approche neurochirurgicale avec réduction de la hernie méningo-encéphalique et reconstruction de l’apex orbitaire à l’aide de greffes osseuses [9].

Conclusion

La dysgénésie orbito-sphénoïdale est une cause peu connue d’exophtalmie. Elle doit être évoquée dans le cadre de la neurofibromatose dès lors que l’exophtalmie est pulsatile. Inversement, sa constatation doit conduire à un examen clinique et radiologique à la recherche de signes pouvant faire évoquer une neurofibromatose de Recklinghausen.

Références
  1. Rilliet B, Pittet B, Montandon D, Narata A, de Ribaupierre S, Schils F, et al. [Orbitotemporal facial involvement in type 1 neurofibromatosis (NF1)]. Neurochirurgie. 2010;56:257-70 pubmed publisher
  2. M.Khaillah, R.Messoud, A.Ladjimi, K.Hmidi, K.Chaouch. Association d’une dysplasia sphéno-orbitaire à un névrome plexiforme au cours d’une neurofibrromatose de Von Recklinghausen. J Fr Ophtalmol.1999,22,9975-978.
  3. Gorfdeef A, Duguet V, Mercier J, Delaire J. Les manifestations céphaliques de la maladie de recklinghaussen. Rev Stomatol Chir Maxillo Fac, 1983;84:24-253.
  4. Bale F, Rouland JF, Castier P. Manifestations ophtalmologiques révelatrices d’une forme frusta de maladie de Recklinghausen. La presse médicale 2004;18-19:972-74.
  5. Slama N, Princ C, Grob R, Boumenose S, Vaillant JM. Neurofibromatose cranio-orbitaire. a propos d’un cas. REV ctomatol chir Maxilli Fac,2006;88:235-39.
  6. Macfarlane R, Levin A, Weksberg R, Blaser S, Rutka J. Absence of the greater sphenoid wing in neurofibromatosis type I: congenital or acquired: case report. Neurosurgery. 1995;37:129-33 pubmed
  7. Alwan S, Tredwell S, Friedman J. Is osseous dysplasia a primary feature of neurofibromatosis 1 (NF1)?. Clin Genet. 2005;67:378-90 pubmed
  8. A Gotzamanis, A Ducasse, P Niederlender, C .Brugnart, P Rousseaux. Exophtalmie unilateral révelatrice d’agénesie de la Grande aile du sphénoide. masson Paris 2000.
  9. Jacquemin C, Bosley T, Liu D, Svedberg H, Buhaliqa A. Reassessment of sphenoid dysplasia associated with neurofibromatosis type 1. AJNR Am J Neuroradiol. 2002;23:644-8 pubmed
ISSN : 2334-1009