Bloc auriculo-ventriculaire de haut degré : expérience du service de Cardiologie du CHU de Casablanca
Mariame Abelhad, Fatima Ezzahra Sabri, Fatima Ezzahra Talhi, Monia Elmourid, Anass Essaidi, Merouane Allouch, Laila Azzouzi, Rachida Habbal
Service de cardiologie. CHU Ibn Rochd. Casablanca. Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1640
Date
2016-09-24
Citer comme
Research fr 2016;3:1640
Licence
Résumé

Introduction : Le bloc auriculo-ventriculaire BAV de haut degré est une arythmie cardiaque qui cause une dissociation entre la fréquence sinusale et la fréquence ventriculaire. L’infarctus du myocarde est l’étiologie la plus fréquente des BAV aigus. La stimulation cardiaque reste le traitement efficace, qui supprime le risque de mort subite et améliore la qualité de vie des patients. Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 50 patients admis entre janvier 2012 et décembre 2013 au service de cardiologie du centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca pour BAV de haut degré. Résultats : L’âge moyen au moment du diagnostic était de 66,7 ans. La symptomatologie clinique était dominée par la dyspnée, la syncope et la lipothymie. Les étiologies en cause étaient par ordre de fréquence : l’origine dégénérative dans 46% des cas, l’origine ischémique dans 40% des cas, l’insuffisance rénale avec hyperkaliémie dans 14% des cas. Le rythme d'échappement a montré un complexe QRS étroit dans 60% des patients, alors que les complexes QRS larges ont été observés chez 40%. Seulement 18 patients ont été implantés : 12 par un stimulateur cardiaque double chambre et 6 par un monochambre selon la disponibilité des stimulateurs cardiaques. Le BAV a régressé spontanément chez 10 patients, et après hémodialyse chez 7 patients. Au cours de l’hospitalisation, 3 patients non implantés sont décédés soit un taux de 9,3%. Nous n’avons enregistré aucun décès chez les patients porteurs de stimulateurs cardiaques. Conclusion : Notre travail souligne la fréquence de la syncope comme mode de présentation et de l’origine dégénérative comme étiologie du bloc auriculo-ventriculaire. La mortalité reste importante en l’absence de stimulation cardiaque.

English Abstract

Introduction: Atrioventricular block AVB is a high degree of cardiac arrhythmia that causes a dissociation between the sinus rate and ventricular rate. Myocardial infarction is the most common etiology of acute AVB. Pacing remains effective treatment which removes the risk of sudden death and improves patients' quality of life. Materials and methods: This is a retrospective study of 50 patients admitted between January 2012 and December 2013 in the cardiology department at the University Hospital Ibn Rushd of Casablanca. Results: The mean age at diagnosis was 66.7 years. The clinical symptomatology was dominated by dyspnea, syncope and fainting. The etiologies were by order of frequency: degenerative in 46% of cases, myocardial infarction in 40% of cases, renal failure with hyperkalemia in 14% of cases. The rate of exhaust showed a narrow QRS complex in 60% of patients, while wide QRS complexes were observed in 40%. Only 18 patients were implanted: 12 with a double chamber pacemaker and 6 by a single chamber according to the availability of pacemakers. The AVB has regressed spontaneously in 10 patients, and after hemodialysis in 7 patients. During hospitalization 3 non-implanted patients died (9.3%). We recorded no deaths among patients with pacemakers. Conclusion: Syncope is a revealing mode of AVB. The most frequent etiology is degenerative. Mortality remains high in the absence of pacing.

Introduction

Le bloc auriculo-ventriculaire de haut degré est un trouble de conduction intra-cardiaque qui correspond à un blocage complet et permanent de la conduction auriculo-ventriculaire. Il est en rapport soit avec une atteinte nodale, soit avec un bloc hissien ou infra-hissien.

Au cours des dernières années, la stimulation cardiaque est devenue le traitement de référence du bloc auriculo-ventriculaire de haut degré.

Le décès chez les patients atteints d’un bloc auriculo-ventriculaire haut degré non traités est du non seulement à l'insuffisance cardiaque secondaire au débit cardiaque faible, mais aussi à la mort subite d'origine cardiaque causée par une asystolie ou une bradycardie prolongée déclenchant une tachyarythmie ventriculaire.

Bien que les essais officiels contrôlés randomisés de stimulation cardiaque dans le bloc auriculo-ventriculaire n'ont pas été réalisés, il est clair à partir de plusieurs études observationnelles que la stimulation cardiaque prévient la récidive de syncope et améliore la survie chez les patients [1, 2].

Dans les pays d'Afrique, on est fréquenté à la disponibilité limitée des stimulateurs cardiaques, le coût élevé de la procédure d'implantation et la non généralisation des assurances médicales.

Le but de l'étude était d'évaluer l'incidence et la survie chez les patients atteints de bloc auriculo-ventriculaire haut degré, pendant une période de 24 mois au centre cardiaque du centre hospitalier universitaire, Casablanca, Maroc.

Matériel et méthodes
Patients

Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 50 patients consécutifs admis entre Janvier 2012 et Décembre 2013 au service de cardiologie du centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca pour bloc auriculo-ventriculaire haut degré confirmé. Les dossiers ont été retirés des archives du service après établissement de la liste des patients à partir des registres des admissions au cours de la période d’étude. Le recueil des données a été réalisé en octobre 2014 et a consisté à remplir pour chaque malade une fiche de renseignements à partir des données figurant dans son dossier. Cette fiche comporte des données sur l’état civil, la symptomatologie fonctionnelle, les signes physiques, la survenue de complications, les résultats de l’électrocardiogramme, de la radiographie du thorax, bilan hydro-électrolytique, les troponines Ic, de l’échocardiographie transthoracique, et de la coronarographie et, enfin, le traitement.

Définitions des constantes

Les Troponines Ic ont été dosés par la méthode Elisa et étaient considérés comme positifs lorsqu’ils sont supérieurs à 0,03 ng/ml. Une hyperkaliémie était définie par une Kaliémie> 5mmol/l.

Étude échocardiographique

L’échocardiographie transthoracique a été réalisée chez tous les patients. Elle a consisté à étudier la fonction globale et segmentaire du ventricule gauche, la présence d’une valvulopathie, la vitesse maximale du flux d’insuffisance tricuspidienne permettant d’évaluer la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs).

Analyse statistique

Les données avaient été saisies et analysées grâce au logiciel SPSS version 20.0. Les résultats sont présentés sous forme de nombre et pourcentage.

Résultats

L’âge moyen de nos patients était de 66,7±10,6 ans avec des extrêmes de 38 et 90 ans. Soixante pour cent des patients (n = 30) étaient de sexe masculin. Les facteurs de risque cardio-vasculaires étaient dominés par l’hypertension artérielle (n = 23 ; 46 %), suivi du tabagisme (n = 22 ; 44%). Tous nos patients étaient hospitalisés à partir du service des urgences. La symptomatologie clinique était dominée par la douleur thoracique (n = 21 ; 42 %), viennent après la syncope et la dyspnée (n= 20 ; 40%) (Tableau 1).

Paramètres Nombre Pourcentage
Homme3060 %
Femme2040 %
Hypertension artérielle2346 %
Tabagisme2244 %
Diabète1224 %
Dyslipidémie48 %
Douleur thoracique2142 %
Syncope2040 %
Dyspnée2040 %
Lipothymie1020 %
Asymptomatique12 %
Tableau 1. Caractéristiques épidémiologiques et signes fonctionnels de notre population.

L’électrocardiogramme réalisé chez tous nos patients avait montré un syndrome coronarien avec sus décalage du segment ST chez 6 patients (12%) et un post-IDM chez 14 patients (28%). Le bilan biologique réalisé chez tous nos patients sans exception avait montré une hyperkaliémie avec une insuffisance rénale chez 7 patients soit 14%. L’étiologie dégénérative a été retenue chez 23 patients (46%) (Tableau 2).

Etiologies des BAV Nombre Pourcentage
Syndrome coronaire ST + en antérieur12 %
Syndrome coronaire ST + en inférieur510 %
Post-IDM1428 %
Insuffisance rénale avec hyperkaliémie714 %
Origine dégénérative2346 %
Tableau 2. Etiologies des BAV dans notre population.

Seulement 18 patients ont été implantés, d’un Pacemaker double chambre dans 12 cas et un Pacemaker monochambre dans 6 cas. L’évolution était favorable chez 35 patients (70%) dont 18 patients qui ont bénéficié d’une stimulation cardiaque, 10 patients ont eu une régression spontanée du bloc auriculo-ventriculaire et 7 patient ont vu leur bloc régressé après l’hémodialyse. Dans notre population 12 patients n’ont pas eu de Pacemaker faute de moyen et 3 sont décédés soit un taux de 9,3% des patients n’ont implantés.

Discussion

Le bloc auriculo-ventriculaire est souvent asymptomatique et découvert à l’occasion d’un examen clinique mettant en évidence une bradycardie ou d’un ECG systématique. Le signe fonctionnel typique est la syncope brève à l’emporte pièce ou accident d’Adams Stokes ; les faux vertiges et les lipothymies sont des équivalents mineurs [3]. Dans notre population on a constaté que la douleur thoracique et la syncope étaient les modes de présentation les plus fréquents (41% et 40% respectivement). Le diagnostic positif repose sur les données de l’ECG de surface, sur les résultats de l’enregistrement Holter et surtout de l’exploration électrophysiologique [4]. De très nombreuses affections peuvent être responsables de blocs auriculoventriculaires. Ces blocs peuvent être aigus et transitoires comme c’est le cas pour les blocs ischémiques, iatrogènes ou liés à un processus infectieux ou être chroniques comme les blocs congénitaux ou dégénératifs qui en sont la cause la plus fréquente.

Les BAV dégénératifs représentent la cause la plus fréquente des BAV chroniques et s’observent dans plus de 75% des cas chez des sujets âgés de plus de 65ans. Deux maladies dégénératives sont responsables de troubles conductifs auriculo-ventriculaires : la maladie de Lenègre [5] et la maladie de Lev [6]. La fréquence des BAV tous degrés confondus secondaires à un syndrome coronarien varie selon les séries entre 12 et 25% ; elle a beaucoup diminué depuis l’avènement de la thrombolyse et de l’angioplastie primaire [7, 8].

La stimulation cardiaque définitive est actuellement le seul traitement efficace des BAV chroniques qu’ils soient symptomatiques ou non. Le traitement médicamenteux par l’isoprénaline ou l’atropine administrées par vois intraveineuse et la stimulation cardiaque temporaire endocavitaire, épicardique ou transcutanée sont indiqués en cas de BAV que l’on espère régressif et en cas de BAV chroniques mal toléré avant l’implantation d’un stimulateur cardiaque [3].

Conclusion

Notre travail souligne la fréquence de la syncope comme mode de présentation et de l’origine dégénérative comme étiologie du bloc auriculo-ventriculaire. La mortalité reste importante en l’absence de stimulation cardiaque.

Références
  1. Sasaki Y, Shimotori M, Akahane K, Yonekura H, Hirano K, Endoh R, et al. Long-term follow-up of patients with sick sinus syndrome: a comparison of clinical aspects among unpaced, ventricular inhibited paced, and physiologically paced groups. Pacing Clin Electrophysiol. 1988;11:1575-83 pubmed
  2. Lamas G, Orav E, Stambler B, Ellenbogen K, Sgarbossa E, Huang S, et al. Quality of life and clinical outcomes in elderly patients treated with ventricular pacing as compared with dual-chamber pacing. Pacemaker Selection in the Elderly Investigators. N Engl J Med. 1998;338:1097-104 pubmed
  3. - Djiane P, Deharo J-C. Blocs auriculo-ventriculaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Cardiologie, 11-032-A-10, 2008.
  4. Chevalier P, Bellocq C, Millat G, Piqueras E, Potet F, Schott J, et al. Torsades de pointes complicating atrioventricular block: evidence for a genetic predisposition. Heart Rhythm. 2007;4:170-4 pubmed
  5. - Lenègre J, Moreau PH. Le bloc auriculo-ventriculaire chronique. Etude anatomique, clinique et histologique. Arch Mal Cœur 1963 ;56 :867-88.
  6. Lev M. ANATOMIC BASIS FOR ATRIOVENTRICULAR BLOCK. Am J Med. 1964;37:742-8 pubmed
  7. Abidov A, Kaluski E, Hod H, Leor J, Vered Z, Gottlieb S, et al. Influence of conduction disturbances on clinical outcome in patients with acute myocardial infarction receiving thrombolysis (results from the ARGAMI-2 study). Am J Cardiol. 2004;93:76-80 pubmed
  8. Berger P, Ruocco N, Ryan T, Frederick M, Jacobs A, Faxon D. Incidence and prognostic implications of heart block complicating inferior myocardial infarction treated with thrombolytic therapy: results from TIMI II. J Am Coll Cardiol. 1992;20:533-40 pubmed
ISSN : 2334-1009